Chronique

Alister Spence

Whirlpool

Alister Spence (p, piano préparé, perc)

Label / Distribution : Autoproduction

Alister Spence édite, après plus de trente ans de métier, son premier album en solitaire (double album en vérité) intitulé Whirlpool. On avait déjà entendu le pianiste australien avec Myra Melford ou plus récemment avec la pianiste japonaise Satoko Fujii (Kira Kira, Intelsat, Imagine Meeting You Here). Il est ici seul face à son instrument pour 23 pièces improvisées dans l’instant.

« (re)new », avec ses sept minutes, entame le disque. C’est un condensé assez fidèle de la teneur de la musique du pianiste. Sur de sourds et profonds accords plaqués, Spence vient dérouler une mélodie bancale et atypique dans les médiums, avant de partir dans des digressions répétitives et minimalistes jusqu’à un final sombre et tendu. Dès ce premier morceau, il nous embarque avec lui dans ses puzzles mentaux sans jamais nous perdre en chemin. C’est là tout le talent du pianiste. On est constamment accroché, suspendu à ses choix. La musique respire, s’étire, ondule, résonne. Le piano semble un radeau de fortune sur lequel Spence navigue dans les méandres de son inconscient. Il se débat avec l’immensité de l’instrument. Il en joue toutes les parties : touches, bois, cordes, surfaces et entrailles ; joue sur les timbres, les couleurs, les dissonances. Utilise quelques percussions. Tout semble en équilibre précaire, comme sur un fil, ténu, prêt à basculer dans le vide ou l’oubli. On le suit avec beaucoup d’attention dans son univers obsédant et étrange. On pense parfois à Keith Jarrett pour le côté lyrique et romantique ou à Benoît Delbecq pour cette façon d’occuper l’espace avec si peu de notes. Whirlpool est un magnifique disque, solaire et habité.

par Julien Aunos // Publié le 16 mai 2021
P.-S. :