Chronique

Anders Jormin

Pasado en claro

Anders Jormin (cb), Lena Willemark (voc, vln, alto), Karin Nakagawa (koto), Jon Falt (dm, perc)

Label / Distribution : ECM

L’expression « musique en clair-obscur » prend ici tout son sens : quelques rayons de soleil printaniers apparaissent fugacement. « Pasado en claro » est un acte poétique pensé avec sagesse. Anders Jormin poursuit son association avec la chanteuse, violoniste et altiste suédoise Lena Willemark , commencée dès 2006 avec « In Winds, In Light » et poursuivie avec le très réussi « Trees of Light » de 2013. L’ajout, sur ce dernier disque, de Karin Nakagawa, merveilleuse joueuse de koto à 25 cordes, ouvrait des horizons infinis. Dans ce nouvel album, la palette sonore s’enrichit avec la venue de Jon Falt, percussionniste renommé et collaborateur de longue date d’Anders Jormin.

Le ton est donné par le koto qui s’immisce avec délicatesse dans les méandres de la voix et de la contrebasse ; « Mist of the River » en est la parfaite illustration sonore. Nous pourrions penser cette association instrumentale comme un ensemble somme toute linéaire, mais c’est compter sans la dynamique qu’insuffle la contrebasse du leader. Dans « Blue Lamp », le mariage de la contrebasse et du koto vous émerveille, juste avant un solo du contrebassiste qui rappelle Barre Phillips lorsque celui-ci enregistrait ses « Music by » pour ce même label munichois.

L’aspect purement mélancolique se dévoile avec « Wedding Polska ». C’est un son de violon orienté vers du néo-folk qui se fait entendre. Plusieurs fois la musique est comme suspendue, le koto apportant cette couleur japonaise qui privilégie les moments respiratoires. La notion d’équilibre entre l’Asie et le nord européen procure un panorama étonnamment harmonieux, semblable à une fresque épurée.

Le silence est exhumé comme un acte nécessaire à la construction des pièces musicales. Les poèmes chantés prennent une ampleur particulièrement propice à l’entrée des instruments comme dans « Petrarca » où la douceur est de mise. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un chant qui se propage, mais plutôt une universalité de chants, tant dans l’intervention majestueuse de la contrebasse dans « Glowworm » que dans les raffinements mélodiques du koto et des percussions jouées avec dévotion.

La plénitude qui se dégage de cet album dévoile au fur et à mesure des écoutes la virtuosité des instrumentistes qui, avec subtilité, laissent croître la musique pour mieux la sublimer.