Chronique

Grundt - Storaas

Cecilie Grundt & Vigleik Storaas

Cecilie Grundt (ts), Vigleik Storaas (p)

L’expression du jazz le plus convaincant, comme débarrassé de tous ses apparats, c’est la proposition du duo de Cecilie Grundt et de Vigleik Storaas, respectivement saxophone ténor et piano : une entente cordiale qui n’a pas besoin d’une quelconque explosion sonore pour exprimer l’essentiel d’un langage épuré. Les tempos médiums sont de mise mais la justesse du propos est essentielle.

Commencer par « Beatrice » de Sam Rivers est une belle idée : ce morceau est instinctivement expressif. Un démarrage en douceur mais en profondeur émotionnelle qui nous conduit naturellement à « Four » de Miles Davis, maintes fois entendu mais dont ici seul subsiste le squelette, heureuse capacité du duo à nous emporter loin des rivages connus. « Stella By Starlight » de Victor Young et « All the Things You Are » sont unis en pas de danse, traversant les époques sans perdre de ce pouvoir ensorceleur qui est la marque de grands créateurs. Le pianiste nous révèle son aptitude à surprendre harmoniquement et à ne pas inscrire de notes superficielles. Survient alors ce compagnon céleste inoubliable, Monk, faisant d’un balancement rythmique une offrande à la philosophie essentielle, celle du cheminement de la vie ; le saxophone ténor pétrit cette matière sonore avec juste ce qu’il faut de limpidité, on en redemande. « Body and Soul » nous prend par la main : la mélodie de Johnny Green esquive les pièges et autres chausse-trapes, servie par les deux instrumentistes parfaitement concentrés sur l’essentiel, la mélodie visant le Phénix. L’album se termine avec « Night And Day » de Cole Porter, toute volonté de ne pas swinguer est subtilement soustraite, l’éternel refrain trouve alors ce regain de vitalité qui oscille entre la détente et l’élégance conjuguées.

On ne peut reprocher à cet album que son timing court, environ trente-six minutes ; toutefois c’est le premier disque enregistré par ces deux excellents musiciens scandinaves, ce qui laisse augurer d’une suite bienvenue.

par Mario Borroni // Publié le 19 mars 2023
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