Chronique

Henri Crolla

1946-1960

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

Il est important pour celles et ceux qui n’ont jamais entendu les improvisations caractéristiques d’Henri Crolla, de démarrer par le CD 2. Vous y trouverez un jazzman incomparable, tout simplement en avance sur son temps.

Imprégné et inspiré par l’immensité du jeu caractéristique de Django Reinhardt, Crolla ne tarde pas à intégrer un élément fondamental dans sa pratique instrumentale, le blues. Les notes sur le manche s’étirent avec suggestivité et imposent de nouveaux placements harmoniques. Il suffit d’écouter « Solitude » pour mesurer la créativité qui préside à la construction du solo d’Henri Crolla. Le guitariste s’y révèle comme un architecte ingénieux, son phrasé a dû laisser plus d’un spectateur incrédule. Il ne donne jamais l’impression de forcer et renouvelle les fameuses pompes manouches, les musiciens qui l’entourent n’ont jamais été aussi bien servis. S’il côtoie merveilleusement des pianistes de renom, Martial Solal, Maurice Vander ou Georges Arvanitas, c’est avec les clarinettistes Hubert Rostaing , Maurice Meunier et le trompettiste Roger Guérin que ses phrasés audacieux font mouche. « What’s New », « Night and Day », « Body and Soul », « September Song » se parent de couleurs inattendues.

La carrière artistique d’Henri Crolla est imposante, il passe des combos jazz aux grands orchestres, accompagne Jacques Prévert et bon nombre de chanteuses et chanteurs de renom. Le CD 1 consacre l’association avec Yves Montand et fait de Crolla son partenaire musical idéal, ils vont jusqu’à jouer six mois à guichets fermés en 1953 au théâtre de l’Étoile. « Les Cireurs de souliers de Broadway », « À Paris », « Jolie comme une rose », autant de titres qui marquent cette glorieuse époque.

Ce double album témoigne de la curiosité insatiable d’un guitariste qui, avec sa famille, a quitté l’Italie lors de l’avènement du fascisme, comme son grand ami Yves Montand. Peu avant sa mort, Henri Crolla enregistre en 1958 une interprétation de « Nuages », de son mentor Django Reinhardt : l’inventivité et la dévotion y sont saisissantes.

par Mario Borroni // Publié le 29 juin 2025
P.-S. :

Henri Crolla (g), Edith Piaf (voc), Nicole Louvier (voc, g), Yves Montand (voc), Mouloudji (voc), Jacques Prévert (voc), Danièle Delorme (voc), Stéphane Grappelli (vln), Léo Chauliac (p), Robert « Bob » Castella (p, dir), Martial Solal (p), Georges Arvanitas (p), Maurice Vander (p), Hubert Rostaing (cl), Maurice Meunier (cl), Alex Renard (tp), Roger Guérin (tp), Lucien Philip (as), Harry Perret (ts), Freddy Balta (acc), Géo Daly (vib), Roger Grasset (b), Emmanuel Soudieux (b), Arthur Motta (d), Pierre Fouad (d), Roger Paraboschi (d), « Mac Kac » Reilles (d), Christian Garros (d), Jacques David (d), Pierre Lemarchand (d), Al Levitt (d)