Chronique

Andile Yenana

Who’s Got The Map

Sydney Mavundla (tp), Sydney Mnisi (as, ts), Andile Yenana (p) Jimmy Mngwandi (b), Basi Mahlasela (perc), Clemment Benny (dr), ou Marodo Morojele (d).

Label / Distribution : Sheer Sound

Sheer Sound continue à diffuser le patrimoine du jazz sud-africain. Au-delà des stars (Abdullah Ibrahim, Chris McGregor, Hugh Masekela, Winston « Mankunku » Ngosi [1], Johnny Diani ou Louis Moholo), les musiciens contemporains méritent une oreille attentive : leur musique est un savoureux mélange de tradition bop, de trouvailles free et de groove africain.

Le pianiste Andile Yenana fait partie de cette génération d’artistes qui, à l’instar de Zim Ngqawana, Bheki Mseleku ou Marcus Wyatt, inscrit sa musique dans la lignée d’un jazz expressionniste et rythmé. Enregistré en 2005 et sorti en Afrique du Sud en 2007, Who’s Got The Map ne déroge pas à la règle. Ce disque comporte sept morceaux signés Yenana, deux études du saxophoniste Sydney Mnisi et « Umunyu », une reprise d’un thème traditionnel arrangé par l’ethnomusicologue et multi-instrumentiste Szasi Dlamini.

Yenana soigne ses mélodies (« Dream Walker » ou le très beau « Rwanda », en souvenir du génocide) et cette délicatesse se retrouve dans ses solos (« Pillar To Post »). En revanche ses développements croisent plutôt la route de Monk (« Pedal Point ») pour les ruptures rythmiques et les dissonances. Caractéristiques que l’on retrouve d’ailleurs dans son jeu d’accompagnement, qui évoque aussi McCoy Tyner (« Mr. Harris »). A ces deux références, il ajoute le hard-bop par des passages qui balancent efficacement (« Flat No. 22 »), et Duke Ellington pour certains arrangements (la fausse nonchalance « moody » de « Umunyu »). Du solo « South Central » se dégage une ambiance « savante » entre free (clusters, jeu dans les cordes…) et musique française du XXè qui contraste un peu avec l’esprit général du disque.

Sonorité éclatante, lyrisme expressif et mise en place impeccable, Mnisi représente « l’archétype du saxophoniste sud-africain » ; Sydney Mavundla n’a pas la même assurance à la trompette mais sur les morceaux plus classiques (« Mr. Harris », bop funky ou « Flat No 2 », hard bop), ses chorus tiennent la route. Quant à la section rythmique, entièrement dévouée aux solistes, elle a charge de maintenir une pulsation dansante quoiqu’il arrive.

Who’s Got The Map ? reste sans réponse… Pas très étonnant, à l’ère du GPS pour tous ! Et c’est tant mieux : chacun peut ainsi choisir sa direction et créer en toute liberté, sans suivre l’éventuel possesseur de cette fameuse « carte ». Finalement, sans doute est-ce à cela que Yenana aspire, car pour reprednre ses propres termes : « Le jazz est un acte de collaboration et d’improvisation, et c’est pourquoi je l’aime tant ; je crée avec d’autres personnes », sans carte ou idée préconçue…


  1. « Pedal Point » (6:25).
  2. « Sydney’s Etude », Mnisi (10:47).
  3. « Dream Walker » (6:35).
  4. « Rwanda » (9:35).
  5. « Umunyu », Dlamini (3:48).
  6. « South Central » (4:38).
  7. « Mr. Harris » (4:11).
  8. « Flat No.22 » (6:50).
  9. « Pillar To Post » (4:49).
  10. « Sydney’s Etude 2 », Mnisi (10:09).

Toutes les compositions sont signées Yenana sauf indication contraire.

par Bob Hatteau // Publié le 29 novembre 2009

[1Saxophoniste alto et ténor, icône du jazz sud africain, décédé le 13 octobre 2009.