Mirabassi & Galliano
Coloriage
Gabriele Mirabassi (cl, bcl), Richard Galliano (acc)
Label / Distribution : EGEA
En 1992, Gabriele Mirabassi enregistrait son premier disque, Coloriage, un duo avec Richard Galliano. EGEA a eu la bonne idée de rediffuser ce disque en 2004 dans la superbe Collana Mediterranea.
Exercice périlleux, le duo reste une source incontestable d’émotions quand il est réussi. C’est sans doute ce qui plaît aux deux musiciens, grands amateurs de climats intimes. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Graffiando Vento gravé en 2004 par Gabriele Mirabassi en compagnie du guitariste brésilien Guinga, et le passionnant Face to Face de Richard Galliano et Eddy Louiss. Si le duo clarinette/accordéon n’est pas monnaie courante, Richard Galliano semble apprécier la formule puisqu’il l’a répétée à plusieurs reprises avec Michel Portal, en concert ou sur disque (Blow Up et Concerts).
Coloriage est construit autour de sept compositions signées Richard Galliano, auxquelles s’ajoutent « Chiquilin de Bachin », du « frère argentin » Astor Piazzola, et « Reflections » de Thelonious Monk. Les thèmes de Galliano sont toujours très mélodieux. « Spleen », « Ballade pour Marion », « Il Viaggio » et « Giselle » penchent vers la mélancolie. « Tea for Toots », un hommage au père de « Bluesette », Toots Thielmans, et « Coloriage » empruntent les chemins de la gaîté. Enfin, la savoureuse « Beritwaltz » nous plonge au cœur du New Musette. A noter, et c’est une habitude chez Galliano, on retrouve la plupart de ces thèmes sur d’autres enregistrements, comme autant de standards personnels que l’accordéoniste ne cesse d’approfondir au fil des albums pour mieux « cultiver son jardin ».
La structure des morceaux est classique : courte introduction de l’accordéon ou à l’unisson, exposition du thème par la clarinette, puis chorus de cette dernière étayée par l’accordéon, suivi d’un solo d’accordéon, avant la reprise finale du thème. Accompagnateur, Richard Galliano passe des nappes de son, qui suggèrent l’orgue (« Spleen », « Chiquilin de Bachin » entre autres), à un jeu d’accords qui évoque davantage la guitare (« Coloriage ») ou la contrebasse (« Ballade pour Marion »). Dans tous les cas, il est très attentif à la voix de Gabriele Mirabassi, comme en témoignent les dialogues de « Reflections » et « Il Viaggio » ou la belle mise en place rythmique du développement de « Giselle ».
Richard Galliano est également passé maître dans les climats : musette dans « Beritwaltz », bluesy dans « Reflections » et « Spleen », enjoué dans « Tea for Toots »… On retrouve aussi les phrases rapides, brusquement interrompues par des traits rageurs, si caractéristiques de son jeu (« Il Viaggio »). Quant à Gabriele Mirabassi, élégant (« Beritwaltz », « Chiquilin de Bachin »), vif (« Giselle », « Ballade pour Marion »), dansant (« Tea for Toots », « Spleen »), parfois malicieux (« Reflections »), il trouve d’autant mieux sa place dans cet album que son phrasé clair, sa sonorité nette et la lucidité de son discours complètent avec bonheur le « piano à bretelles ».
Coloriage a déjà presque quinze ans ; pourtant, il garde toute sa fraîcheur et le titre lui va comme un gant, car les deux artistes recourent effectivement à une palette riche en couleurs, pour créer des ambiances variées et pleines de caractère.