Kalma, Chiu, Honer
The Closest Thing to Silence
Ariel Kalma (reeds, synth), Jeremiah Chiu (synth), Marta Sofia Honer (alto, synth)
Label / Distribution : International Anthem
Comment réaliser du neuf avec du vieux, ne pas tomber dans le piège des redites ? Par cet album, dont le titre choisi par le trio qui l’anime provient d’une citation tirée d’Ariel Kalma, The Closest Thing to Silence. Cette musique expérimentale enregistrée à Los Angeles et à Mullumbimby en Australie abolit les frontières, à l’image d’une ligne de chemin de fer sans fin, maintenue par un ballast d’une solidité à toute épreuve.
Il y a bien longtemps qu’Ariel Kalma a mêlé ses envolées au saxophone à l’apport des instruments ethniques et électriques, suite à un long voyage en Inde où il avait appris la musique modale et le chant. En 1975, la parution de son premier album auto-édité,Le Temps des moissons, l’obligea par souci d’économie à acheter des pochettes vierges. Sur chacune d’entre elles, il dessina la forme de sa main, et il numérota chaque exemplaire de cet album depuis devenu culte.
Retrouver Ariel Kalma, c’est l’assurance d’entendre un voyageur infatigable et curieux : qu’a-t-il de neuf à nous conter cette fois, où s’est-il rendu pour collecter des sonorités inédites ? A-t-il pris le temps d’observer le ballet d’une truite fario ou de retranscrire l’envol d’un calao, comme dans son album Osmose de 1978 qui présentait les sons de la forêt tropicale de Bornéo enregistrés par Richard Tinti ? Depuis cinquante ans, les projets d’Ariel Kalma se construisent avec une expertise musicale qui combine habilement les innombrables textures tirées de l’instrumentation électronique.
En août 2022, Ariel Kalma a été invité à la série collaborative Late Junction de BBC Radio 3 qui associe des artistes qui n’ont jamais travaillé ensemble. Jeremiah Chiu et Marta Sofia Honer, connus pour avoir associé le violon et le synthétiseur modulaire afin de créer leur œuvre commune Recordings From The Åland Islands, devinrent pour l’occasion les partenaires de Kalma. Le travail collectif porte vite ses fruits, l’oriental « Ten Hour Wave » et « Breathing In Three Orbits », délibérément cosmique, mêlent les improvisations à des enregistrements réalisés par Ariel Kalma au studio GRM de l’INA Pierre Henry à Paris dans les années soixante-dix. Ce collage révèle un chant profond à l’instar d’« Écoute au Loin », parsemé de séquences répétitives, alors que les sons colportés par « Dizzy Ditty » évoquent e=mc² et Seven Stones, créations discographiques d’un autre pionnier de l’électronique en France, Teddy Lasry.
Avec bonheur, ces trois artistes intergénérationnels exposent des harmonies poétiques liées à des rythmes hypnotiques dans The Closest Thing To Silence. La musique qui ressurgit ondule sereinement sur une mer d’huile, comme avec l’exquis « Une ombre légère ». Les textures frémissantes de « Stack Attack » essaiment des bercements animés par des cycles respiratoires et démontrent que cet album possède des vertus thérapeutiques.