Il y eut en 2016 une exposition au Centre Pompidou consacrée à l’univers de la Beat Generation, exposition fort réussie d’ailleurs et au centre de laquelle trônait, immensément déroulé, le tapuscrit original de Sur la route de Jack Kerouac.
Dans la foulée et en lien avec cette dernière, l’excellent label des experts en compilations de rééditions fabuleuses, Frémeaux et Associés, sortait une anthologie de 3 CD consacrée à cette même période.
Déclinaison logique jusqu’à l’évidence, tant le mouvement littéraire qui chamboula l’Amérique des années 50 est intimement lié au jazz, dans son esprit comme dans sa forme, saccadée. Une familiarité évidente jusque dans le nom même de Beat, de rythme donc, qui est au cœur des deux expressions écrites et jouées.
La génération Beat fut, au-delà des œuvres littéraires, la passeuse en contrebande d’une créativité qui existait dans les marges depuis déjà quelques décennies. Elle mit sous le nez de cette Amérique blanche, confiante en ses valeurs conservatrices et son racisme tranquille, ce qui bouillonnait sous ou à côté d’elle, dans les dancings noirs ou dans les bars de (toute) fin de nuit où s’élaborait le be-bop.
En somme, c’est un peu l’idée de contre-culture qui naît en ces années décisives, avant que la jeunesse adolescente et rebelle, quelques années plus tard, ne devienne pleinement un fait de société en même temps qu’une part de marché lors de l’arrivée du rock and roll dont s’entendent ici les prémices sur certains morceaux de Helen Humes, Wild Bill Moore ou Bobby Troup.
Les références codées, le vocabulaire d’initiés (viper, gator, hipster – et oui) parsèment plusieurs titres de la compilation, charriant pour certains aussi son lot de références de mauvaise vie, d’envies routardes (« Route 66 »).
Après le premier CD consacré à l’environnement sonore de la Beat Generation, leurs influences, les deux suivants donnent à entendre les influencés. Soit les écrivains beat eux-mêmes, Kerouac et Ginsberg, c’est-à-dire deux des trois principaux avec Burroughs, qui déclament leurs textes, accompagnés ou non par un chaloupement jazzy de circonstance. Mais aussi la génération des enfants immédiats : Lenny Bruce, le comique qui emballe ici son acidité d’un be-bop furieux, ou Bob Dylan. (Ainsi qu’un morceau très chic français des Double Six, un peu curieux en ce contexte ; l’original de Charlie Parker, lui même joué, y est plus à sa place.)
Près d’une soixantaine de morceaux pour une bande-son à l’intérêt documentaire certain, mais dont on peut aussi apprécier le contenu sans passion particulière pour son contexte.