Chronique

Blue Note 60’s Records (4) - Hank Mobley

A Caddy For Daddy

Lee Morgan (tp), Curtis Fuller (tb), Hank Mobley (ts), McCoy Tyner (p), Bob Cranshaw (b), Billy Higgins (dms).

Label / Distribution : Blue Note

18 Décembre 1965 à Englewood Cliffs, New Jersey. Hank Mobley enregistre en sextet l’album A Caddy For Daddy. Comme un certain nombre de musiciens à cette période, le saxophoniste s’essaye à l’écriture d’un hit. Après quelques succès inattendus chez Blue Note (en particulier The Sidewinder (1963) du trompettiste Lee Morgan), la tentation de renouveler l’exploit commercial est manifeste. La nuisance est perceptible sur le premier titre, mais le suivant est d’une tout autre facture.

Sur un mode mineur, Lee Morgan, Hank Mobley et Curtis Fuller proposent un somptueux entrelacement de lignes mélodiques. Un charme évident opère dès les premiers instants de cette valse sombre de trente-deux mesures, organisée en motifs répétés par le pianiste McCoy Tyner. Billy Higgins souligne chaque intervention à la batterie, renforçant ainsi le sentiment de cohérence d’une œuvre soigneusement finie. On regrette seulement l’effacement du contrebassiste Bob Cranshaw, occupant un rôle essentiel mais peu audible. Le solo du leader est élaboré avec rigueur et une forme de modestie louable. Celui de Lee Morgan s’inscrit dans un schéma similaire. Tous deux mettent en valeur la couleur propre de leur instrument. Délaissant un peu le style percussif qui le caractérise, McCoy Tyner articule ensuite quelques variations autour du thème.

La composition suivante est de Wayne Shorter. « Venus Di Mildew » invite donc naturellement à comparer le jeu des deux ténors. « Ace Deuce Trey » et « 3rd Time Around » révèlent des structures harmoniques complexes. Elles rendent compte du talent d’écriture du leader, mais ne convainquent pas tout a fait.

Si l’on considère la carrière de Hank Mobley, et notamment sa période Blue Note, il apparaît que la qualité principale de son jeu réside dans son caractère évident (le plus souvent selon l’acception la plus noble que ce terme puisse recouvrir). Cette intelligence dans l’élaboration s’applique autant à l’architecture des compositions qu’à la clarté mélodique de ses solos. Or, les morceaux qui constituent A Caddy For Daddy tentent systématiquement d’allier ces traits à un souci d’accessibilité. Le pari ne semble réussir qu’avec « The Morning After ». Les autres pièces demeurent superficielles, et ce indépendamment du niveau quasi irréprochable de chaque musicien. L’album louvoie ainsi autour d’une frontière floue entre le génial (logiquement plus rare) et le banal.

Hank Mobley n’est pas un musicien révolutionnaire, mais il possède une maîtrise instrumentale et une inventivité mélodique rares. L’évidence musicale qu’il engendre n’est pas la simplicité - plutôt une sorte d’épure. Son approche dissimule l’effort de création pour ne divulguer qu’un résultat accompli, que l’on peut aisément ressentir, comprendre, s’approprier.