Chronique

Eric Longsworth Quartet

A Ciel Ouvert

Eric Longsworth (cello), Rémi Charmasson (g), Eric Séva (ss, bs), François Verly (percussions), Olivier Ker Ourio (harmonica en invité)

Label / Distribution : Dièse

En matière de violoncelle, la scène française ne regorge pas d’instrumentistes. Pourtant, quelques aventureux l’introduisent à merveille et sous toutes ses formes, acoustique ou électrique, soliste ou accompagnateur : Vincent Courtois, Didier Petit, Alain Grange, et Vincent Segal, bien entendu, sans oublier la grande figure de Jean-Charles Capon. Il faudra désormais y ajouter celui d’Eric Longsworth.

Ancien élève de Gary Hoffman et Janos Starker, Eric Longsworth découvre l’univers du jazz grâce à David Baker et participe à des ateliers avec de grands musiciens de la scène américaine : Dave Holland, Dave Liebman, John Abercrombie et Steve Coleman. Ces rencontres accentuent son goût pour les musiques improvisées et le décident à abandonner le violoncelle classique pour cingler vers d’autres horizons. Il s’installe alors à Montréal, où il se fait remarquer au sein des groupes Iracus et Contrevent. Il enregistre en 1997 son premier album en solo (I Hear You). Deux ans plus tard, il publie If Trees Could Fly en duo avec le contrebassiste Marc Johnson. En 2001 prend naissance le trio « Sans souci » avec l’accordéoniste Daniel Mille et le percussionniste Pierre Tanguay. L’enregistrement suit (Enja). En 2002, Longsworth s’installe en France et multiplie les expériences avec Sylvain Luc, Rémi Charmasson, Claude Tchamitchian, François Verly, René Bottlang… Parallèlement, il signe plusieurs bandes-son de films et de fictions pour la radio (L’Odela, Toutatis, Alice in Wonderland…) et anime des ateliers d’improvisation pour instruments à cordes. Soucieux de donner à son instrument des couleurs jusqu’alors inexplorées, Eric Longsworth propose avec le trio « Sans soucis » une musique résolument voyageuse, sans frontières formelles, où la mélodie reste au centre de ses préoccupations.

En 2008, il poursuit cet élan singulier avec le quartette « À ciel ouvert » et trois figures marquantes du jazz actuel, reconnues pour leur don de mélodistes épurés : Eric Séva aux saxophones soprano et baryton, Rémi Charmasson aux guitares électrique et acoustique et François Verly aux percussions. Cette nouvelle formation, explicitement voyageuse et généreuse, allie de façon très naturelle harmonies chantantes, mélodies dansantes et rythmes alertes. Longsworth explore tous les registres sonores de son violoncelle électrique. Les pizz rebondissants se détachent du timbre chaleureux, perçant et très fin d’Eric Seva sur « Nightrunners », thème introduisant à merveille ce nouvel album paru chez Enja, ainsi que sur « Heartbeat ». Le saxophoniste prouve une fois de plus son aptitude à suivre de très près les modulations harmoniques proposées par l’écriture qui, subtile et précise, abonde en richesses exquises. À côté des accords enchanteurs de « Without A Trace » et du titre « Le Pellerin », Charmasson laisse place aux lignes mélodiques frottées sur les cordes du violoncelle, cette fois pour un timbre proche de l’acoustique. On se rappelle alors que Longsworth est également reconnu pour son lyrisme outre ses talents de rythmicien - qui le rapprochent parfois des guitaristes. François Verly, léger et concis sur toute la gamme de ses percussions, enveloppe les improvisations de chacun en toute convivialité et avec un bonheur chatoyant. Ne manquait plus, pour combler l’auditeur, que la participation d’Olivier Ker Ourio à l’harmonica sur « African Dream », « La Source », « Seven Steps » et « Carry Me Home », qui donne au projet des accents country et une touche poétique à cette musique aventureuse et aux destinations multiples, indéfinissables, sans doute pour laisser davantage de place à l’imaginaire nomade du compositeur. Son disque est chargé d’émotion, notamment sur « Toi Qui Passes Libre », « Life Inside the Egg » et « Dad’s Song » (ce dernier thème n’étant pas loin d’une certaine forme de blues).

Cette musique passionnante raconte des histoires et dessine des paysages illustrés avec exigence et bonheur. Les nombreuses illustrations vagabondent dans notre esprit et montrent que le jazz est une musique de liberté et d’évasion.