Chronique

Carol Robinson

Billows

Carol Robinson (clarinettes, électronique)

Label / Distribution : Plush

Cet élégiaque Billows est une ode à la lenteur, une apologie de la variation subtile en douze courtes pièces. S’il fallait donner une image, ce serait un ciel dont la lumière change imperceptiblement au crépuscule, ou peut-être une vague qui, inlassablement, caresse la grève, reflue, revient mais n’est jamais la même.

Pour cet enregistrement en solo, Carol Robinson a choisi d’utiliser un cor de basset, ancêtre de la clarinette basse dont Mozart fut en son temps le laudateur notoire. Elle y joue également de la birbyne, autre instrument oublié à anche simple. De ces ancestrales clarinettes bardées de capteurs, elle tire des souffles vaporeux, de longues notes répétées. Le traitement électronique, d’un raffinement extrême, apporte une puissance d’évocation onirique, une douceur palpable. Les compositions procèdent par superpositions et chevauchements, ondulations, créations d’harmoniques, modifications de timbres. Le temps y semble étiré jusqu’à l’effacement de tout motif mélodique et rythmique. Seul « The Lingering » fait exception, le temps d’une entrée en matière qui sacrifie à un procédé de composition formelle, en réminiscence des pièces pour flûtes et anches de Debussy.

Et si l’on devait rapprocher Carol Robinson d’un compositeur, ce serait sans doute l’Italien Giacinto Scelsi (1905-1988), pionnier de la musique contemporaine européenne à qui l’on doit d’importantes recherches sur la microtonalité. Robinson a d’ailleurs travaillé avec lui et participé à l’enregistrement de plusieurs pièces de Music For High Winds [1]. Mais Billows évoque aussi, par sa sérénité, les œuvres de la grande prêtresse et pionnière de la musique électronique méditative, Eliane Radigue.

Ce disque est l’occasion de rendre hommage à l’ambitieuse et salutaire politique artistique du label parisien Plush qui, depuis le début des années 2000, redéfinit les frontières d’un jazz suave, brillamment trempé d’électronique.

On laissera à Carol Robinson le mot de la fin, emprunté aux notes de pochette : « La musique est une ouverture vers quelque chose au-delà de notre réalité. Toucher aux frontières, atteindre ce que l’on ne comprend pas exactement, ce que l’on ne codifie pas clairement, tel est mon objectif avec la musique improvisée électronique. » Elle touche magistralement au but.