Chronique

Charles Tolliver Big Band

With Love

Charles Tolliver (tp), David Guy (tp), David Weiss (tp), James Zollar (tp), Chris Albert (tp), Keyon Harrold (tp), Craig Handy (as, ss, fl, cl), Billy Harper (ts), Todd Bashore (as, cl), Jimmy Cozier (as), Bill Saxton (ts, cl), Howard Johnson (bs, cl), Jason Jackson (tb), Joe Fiedler (tb), Clark Gayton (tb), Aaron Johnson (tba, tb), Stanley Cowell (p), Robert Glasper (p), Cecil McBee (b), Victor Lewis (d), Ched Tolliver (g)

Label / Distribution : Blue Note

A la fin des années 60 et au début des années 70 Charles Tolliver renouvelait le hard bop, d’abord aux côtés de Jackie McLean, puis au sein de Music, Inc., avec une énergie piochée au free, de longues explorations modales et des harmonies raffinées.

Pendant trente ans, Tolliver a pratiquement disparu. Il a rompu le silence en 2006 avec une participation sublimement tamisée au Time Lines d’Andrew Hill. Pour son retour en tant que leader, il a choisi le big band. Avec les vieux compères Cecil McBee et Stanley Cowell, mais surtout avec des musiciens contemporains élevés au bop progressif des années 60.

Dès les premières notes de « Rejoicin’ », le ton est donné : ce big band est un rouleau compresseur. Les cuivres sont criards, les saxophones à fond. Tolliver, lui, est en pleine verve : il menace de sortir des rails à tout moment, mais parvient à rester en équilibre instable. Il dit construire sa musique autour de la batterie, et cela s’entend : on finit par avoir l’impression d’être le punching-ball de Victor Lewis.

Même les passages plus calmes en sont réduits à des préludes au pugilat. L’introduction flûtes-clarinettes, délicate comme une prière, de « Mournin’ Variations » est oubliée dans le corps du morceau, le dialogue intime trompette-piano de « ’ Round Midnight » cède le pas à la fanfare, un tempo rapide et un arrangement assez brutal qui vire un peu au ridicule de l’excès.

Néanmoins, ces roulements de mécanique ont parfois du bon. Ceux qui ne connaissaient Robert Glasper que par son album Canvas seront surpris par l’énergie dont il fait preuve ici. L’intervention de Ched Tolliver, fils de Charles, sur « Suspicion », toute en subtile retenue, est plus que bienvenue. Mais les éclaboussures de notes et l’ardeur au combat du trompettiste méritaient un écrin un peu plus finement dosé.