Scènes

Pascal Schumacher Quartet

A la découverte d’un jeune groupe, à la veille de l’enregistrement de leur premier album


Parmi tous les jeunes musiciens de jazz actuels (ici, l’âge collectif dépasse à peine 100 ans), pourquoi s’attarder sur ce groupe ? Tout simplement parce que ces jeunes-là déploient, au mieux de leur forme, une énergie dévastatrice et revivifiante, hors du commun, tout en affichant clairement leur joie de faire de la musique ensemble, de prendre des risques et de se soutenir mutuellement, de chercher les limites de leurs capacités techniques.

© Jos L. Knaepen

Pascal Schumacher est un vibraphoniste luxembourgeois de 24 ans qui partage son temps entre Bruxelles et le Grand Duché. A l’origine, le quartet comprenait le guitariste Greg Lamy, mais ce dernier a été remplacé par le pianiste Jef Neve afin d’apporter son punch caractéristique. Voir Neve construire des solos permettant à Schumacher de démarrer sur les chapeaux de roues prouve que la formule fonctionne à merveille. Le quartet est complété par le bassiste Christophe Devisscher et le batteur Teun Verbruggen. On retrouve ces deux-là dans le quartet d’Alexi Tuomarila, et leur complicité est évidente.

La première fois que j’ai vu ce groupe, le 15 septembre 2003 au Hopper Café d’Anvers, le côté explosif était à l’honneur. Verbruggen poussait les solistes par des cascades de grooves et de beats qui passaient en un instant d’un feeling et d’une métrique à l’autre. En plaçant quelques cymbales sur sa caisse claire et un tom, il se transformait en metteur en son drum’n’bass. Schumacher suivait cette impulsion avec des lignes rapides à quatre mailloches, qui aurait peut-être gagné à être un peu épurées : d’ailleurs, quand il en abandonne deux, son jeu se fait plus mélodique et gagne une touche de blues particulièrement bienvenue. Mais l’homme de la soirée, ce fut Neve. Ses solos aux zéniths foudroyants ont littéralement soulevé la salle. Certes, son côté entertainer aide (il se lève de son banc ou adopte des expressions faciales qui traduisent son ardeur…), mais quand il part dans un groove funk-blues irrésistiblement dansant pour arriver, par exemple, à des paroxysmes d’accords martelés presque dignes de Cecil Taylor, il est difficile de rester de marbre.

Le concert du 20 novembre 2003 à Bruxelles, a servi de dernier tour de chauffe avant l’enregistrement du premier album du groupe, dont la sortie est prévue en mars 2004 sur le label Igloo. Le groupe avait donc pris le parti de la précision et de la concision. Ceux qui attendaient le côté explosif et spontané du groupe sont restés sur leur faim, mais les ballades (un peu bâclées lors du concert anversois) y ont gagné en expressivité et en cohérence. Goodbye Little Godfather, une composition de Devisscher, a été introduit tout en douceur : on entendait même Neve taper des doigts sur le corps de son piano. Cela dit, le concert s’est terminé avec un joyeux et dynamique When Spring Begins (une composition de Neve qu’on retrouve sur son excellent Blue Saga).

Reste à espérer que ce groupe saura retrouver en studio cet équilibre entre les morceaux qui réclament une énergie débridée et ceux qui sont mis en valeur par une lecture plus nuancée.