Chronique

Ancesthree

Ancesthree

Ben Sluijs (as), Hendrik Braeckman (g), Piet Verbist (b)

Label / Distribution : Contour

Ancesthree, premier disque édité par Contour, le label du bassiste Piet Verbist, est un enregistrement de concert. Chaque musicien signe une composition et quatre standards complètent le répertoire.

Délicatesse, intimité et douceur sont les mots-clé de ce disque : même les applaudissements entre les morceaux suffisent à en troubler la surface. Les plus belles mélodies de l’album se prêtent particulièrement à cette atmosphère : Portrait in Black in White, magnifique composition de Jobim, est sublimée par la sonorité floue, à peine timbrée de Ben Sluijs. En effet, le saxophoniste s’adapte aux besoins de chaque morceau : diffuse par endroits, sa sonorité se concentre sur All One Song et se granule sur Alone Together. S’il favorise ici son héritage cool, Sluijs est un des saxophonistes les plus singuliers de Belgique : on le sait capable de savantes abstractions comme de flammes coltraniennes. Hendrik Braeckman a une sonorité moins flexible, mais varie son jeu à sa manière : des accords consistants (et vaguement menaçants) sur Nathalie, ou un simple filet de notes ailleurs. Verbist reste sobre, préférant un registre grave et plein et des tempos délibérés.

La contribution de Verbist, Rushd ed-Dunyâ nous emporte dans le mysticisme oriental, notamment grâce aux coups donnés sur le corps de la basse, qui complètent l’ostinato en ancrant le morceau. Un moment étonnant : pendant le coda, Sluijs crée l’illusion qu’il joue d’un instrument polyphonique en jonglant avec deux lignes indépendantes, l’une dans les aigus, l’autre dans les graves.

Le défi ici est de rester mélodique, joli et délié malgré le dépouillement des ressources, et il est bien relevé. Toutefois, on aurait aimé qu’au long de ces soixante-dix minutes, des approches plus diverses viennent relancer l’intérêt, ainsi qu’un supplément d’audace harmonique. Le Witchcraft qui clôt l’album répond en partie à ce désir : alto et guitare « solisent » en même temps sur un tempo rapide, ce qui prête une densité nouvelle au son d’ensemble.

Sorti fin 2002, Ancesthree montre que la série The Finest in Belgian Jazz ne détenait pas le monopole de la qualité du jazz belge produit l’an dernier. Contour a également marqué l’année 2003 en publiant l’excellent Blue Saga de Jef Neve.