Chronique

Claude Tabarini

Enveloppes - Ecrits sur le jazz

On avait déjà beaucoup aimé la première série d’Enveloppes du Suisse Claude Tabarini, chroniques parues dans le mensuel de l’AMR, Viva la musica, entre 1988 et 1993, et réunies en recueil en 1993. L’idée de départ, terriblement séduisante, consistait pour l’auteur à choisir dans son panthéon personnel un certain nombre de pochettes, forcément mythiques, puis d’écrire un court texte alliant un sens poétique et littéraire à une connaissance précise de la musique que cachait l’enveloppe cartonnée du vinyle.

C’est que Claude Tabarini connaît la musique : batteur, percussionniste et chanteur, il s’est produit dans de nombreux groupes de jazz, rock et musique contemporaine dès les années 70. (Il a une approche artistique réellement interdisciplinaire puisqu’il est par ailleurs photographe.) Avec ce second volume, l’auteur poursuit sa collection de petites pièces, de chroniques musicales d’un autre genre que celles que l’on trouve dans la presse, bien moins académiques, plus libres, qui ont l’air de s’éloigner du sujet mais en fin de compte le respectent infiniment et y font sans cesse retour. Ce sont les images que la musique éveille en lui qui nous sont transmises dans ce livre de jazz et de poésie ; une autre façon très personnelle de tenter la déclaration, d’éclairer ce que la musique nous révèle.

Ce parcours, très subjectif, certains n’y souscriront pas, ou très mollement. Pourtant, Nicolas Bouvier avait écrit à l’époque dans la préface du premier recueil : « Les textes de Tabarini relèvent de la transfusion sanguine. Pour que l’opération réussisse, il faut que donneurs et receveurs soient compatibles… Quand la musique amène l’image et que l’image veut son mot, Tabarini tâtonne, cherche, brûle et finit par toucher… »

Ce qui est formidable dans ces écrits sur le jazz, c’est que le lecteur y butinera selon son désir, trouvera des références communes, pourra comparer ses souvenirs, ses impressions d’un concert ou d’un enregistrement : Bill Frisell, Paul Motian, Steve Lacy, Misha Mengelberg, Jimmy Giuffre, Henri Crolla, Uri Caine en trio, ou Annette Peacock font partie des musiciens à qui l’auteur rend hommage, à sa façon séduisante et insolite. Car là où une chronique ne souligne jamais assez un détail, un fragment - qui en disent parfois plus long que l’ensemble pour raconter ce qu’est le jazz, cette musique de l’éphémère -, Tabarini rassemble sa galerie de portraits de musiciens. Il capte cette précision du geste, de la pose précis qui traduisent la vérité du jazz, musique de l’instant(ané) : voir par exemple son dernier texte, composé à partir d’une photo de 1964, « Miles Davis in Tokyo ou la solitude de Sam Rivers ». Révélateur !

par Sophie Chambon // Publié le 12 mai 2008
P.-S. :


Editions Héros-Limite
2007. Offset.148x210, 200 pages, broché, cousu fil. 130 illustrations noir/blanc.
Distributeur pour la France : Les Belles Lettres. €24, ISBN 978-2-940358-20-5