Chronique

Colin Vallon Trio

Le Vent

Colin Vallon (p), Patrice Moret (b), Julian Sartorius (dm)

Label / Distribution : ECM

Découvert (ce fut mon cas) au festival de Cully (Suisse), au cours d’un des innombrables concerts en club que la manifestation réserve, Colin Vallon a suivi un chemin lent mais sûr vers ce qui constitue, à ce jour et à mon sens, son ouvrage le plus abouti. Fidèle à la formule du trio, très marqué dès ses débuts par un certain « art du trio » qu’ont balisé des musiciens comme Brad Mehldau ou le groupe E.S.T. et - bien avant eux - les Bill Evans et autres Keith Jarrett qui sont dans toutes les mémoires, il a maintenant une manière bien à lui, et une façon très reconnaissable de la défendre avec la complicité de ses accompagnateurs, dont le tout récent Julian Sartorius à la batterie.

Il n’est guère dans mes habitudes de me laisser aller à la séduction des procédés pianistiques d’école, et des pianistes qui pratiquent un art du trio souvent identique d’une formation à l’autre. Et dans ses précédents enregistrements, Colin Vallon n’échappait pas totalement à cette réticence. Ici, et dès l’entame (« Juuichi »), un certain ton est donné, assez dramatique en son fond, qui retient l’auditeur et appelle l’écoute. Une batterie jouée tantôt en valeurs lourdes, tantôt, au contraire, en éclats discrets et légers, vient ponctuer, prolonger et relancer les mélodies « hantées » que le compositeur et soliste propose. Sa complicité avec Patrice Moret est déjà longue, et le contrebassiste n’est pas pour rien dans cette musique qui tend parfois à une sorte de quasi-immobilité, marquée néanmoins de résonances telluriques.

Un certain fond douloureux en somme, qui ne se répand jamais en épanchements narcissiques, mais qui s’entend dans le battement sous-jacent, qui se joint aussi à l’évocation matérielle et poétique de l’univers sensible : voilà un pianiste qui nous parle, dans une langue qui ne prend jamais le dessus sur le message. On aime cette vérité qui transcende le savoir.