Chronique

The Bad Plus

The Rite Of Spring

Reid Anderson (b, electronics), Ethan Iverson (p), David King (dm)

Label / Distribution : Okeh Records

« Dommage à Stravinsky » pensera-t-on d’abord. Je ne sais pas si d’autres se sont risqués, dans le champ des musiques dites « actuelles », à l’interprétation de ce Sacre du Printemps (j’écris ces lignes le 20 mars, ça tombe bien), mais il faut reconnaître que la démarche, très audacieuse, est plutôt casse-gueule… A première écoute, tout est là : les notes, les thèmes, les rythmes, mais dans un costume si étriqué qu’on ne reconnaît plus rien du personnage. Ni homme, ni femme (« Primavera »), seulement un squelette : celui d’une œuvre qu’on souhaite aussitôt retrouver dans sa version orchestrale, avec sa force, ses instruments, ses percussions, ses violons, son basson, sa chair enfin : le Sacre du Printemps quoi !!!

Bon prince, on renouvelle l’écoute, on met les potentiomètres à fond ou presque : on entend le cœur qui bat, basse et batterie prennent une dimension supplémentaire, on se dit que ça peut aller. Quelques « scratches » pour évoquer le vinyle (quel aveu quand même !), ça reste un peu faible, mais bon, on ne va pas détruire le matériel. Quelques bizarres flottements de tempo, on se demande pourquoi… On ne crie pas au génie des trois instrumentistes de Bad Plus dans ce répertoire, loin de là. Mais on est, par contrecoup, stupéfait de celui de Stravinsky, à l’époque de ce printemps-là.

Une écoute totalement neuve, qui ne saurait rien de l’original, est sans doute possible. Je ne sais évidemment pas ce qu’elle pourrait provoquer. Et je n’ai aucun a priori sur les adaptations - pour preuve, le plaisir que je prends à La petite histoire de l’opéra de Laurent Dehors. Mais soumettre Le Sacre à une telle cure d’amaigrissement, quelle drôle d’idée.