Scènes

D’ailleurs et d’Amiens (3)

suite des divagations nocturnes de notre correspondant itinérant


Bien entendu, c’est Off : Akoben ont du punch, Fresu est sucré, Bona déçoit, mais faut bien soigner les petits bobos.

Une bouteille s’écrase bruyamment sur la tête de Rachid, le videur, qui flageole un moment, prend de l’élan et balance une jolie droite bien swing au visage de son juvénile adversaire. Quelques brutes en rut se sont infiltrées à la Lune Pirate, formant au milieu de la petite salle une sorte de deuxième attraction. Meanwhile, le septette Opus Akoben diffuse une ambiance à peu près Peace and Love, Sub-Z appuie les rimes, un peu câlin, au fond les choses se calment. Impassibles, originaires du Washington D.C. noir, on les suppose dépucelés de la baston. Tant pis, on se presse contre les baffles, bonne basse, songeant que le DJ d’Opus ferait bien notre affaire pour boucler les fins de soirée du festival. Cet office est rempli par les trois qui viennent de la Favela Chic, repaire de bobos parisiens, M° République, au bon goût de Brésil. Les cuistots de la MDC semblent réjouis de monter offrir aux Picards savoir-faire, joie de vivre et tarifs bandito : cent francs l’assiette de riz avec un petit dessert [ndlr : tiens l’euro n’est pas encore arrivé en Picardie ?].

Cette année, Amiens pulse sur le thème « Ordem e progresso », alors on se rend de bonne guerre au New Dreams écouter Cabruera. Là, une copine rend élégamment hommage, d’un geste, au guitariste qui joue ses harmoniques en passant son stylo sur les cordes. Pas carré leur truc : on aurait bien plutôt écouté MACAO ZUMBI qui étaient programmés à leur place. Mais trop politique : le chanteur a fini flingué sur une plage do Brasil, et le reste du groupe n’a pas trouvé assez de concerts en Europe pour honorer cette petite date de France.

Pendant ces bavardages dehors, la nuit est d’encre. En ville, il y a les bars de Saint-Leu, coquet quartier des canaux où de Robien se laisse parfois surprendre. Boboland. le festival « off » y bat son plein. Initiative de deux ans d’âge, la programmation est l’affaire de Boris Pelossof, bassiste jazz d’ici, ami de Pierre Walfisz, le DA du « In ». L’idée : submerger la ville de quatuors jazz et klezmer, peut-être un hommage au Masada de Zorn qui fit fureur à son passage ici. Le « Off » fait, paraît-il, le bonheur de quelques gras commerçants mélomanes comme mes grolles, qui programment moyennant subventions du jazz bénévole à leur carte une petite semaine par an. « Le seul bar musical actif à l’année sur Amiens, le Grand Wazzo, est déjà dans le In », Julie s’esclaffe. Texier père accueille avec son fils le Saint-Esprit Richard Bona en prime time dans la grande salle de la Macu. Le tout autour de thèmes orientalistes, désolé, mais un peu mous. Bona seul au New Morning, ça avait une autre gueule, insolent Camerounais, phénoménal bassiste. Ce qui nous amène à penser que Paolo Fresu se bonifie avec le temps, son trio avec Antonello Sallis et Furio di Castri était plaisant.

par Ali B. // Publié le 29 mars 2003