Dave Douglas - High Risk
Interview backstage « à chaud » et en musique de Dave Douglas, venu présenter « HIGH RISK », son tout nouveau quartet et album du même nom.
Le 30 avril dernier, le festival Les Rencontres Koa Jazz de Montpellier accueillait le flamboyant Dave Douglas, venu présenter « HIGH RISK », son tout nouveau quartet et album du même nom [1]. Ce projet « à haut risque » est une extension des expériences électroniques dont Sanctuary, Freak In et Keystone étaient les prémices.
Transcription de l’entretien en français :
- HIGH RISK est une extension du travail commencé avec l’album Sanctuary, au milieu des années 90. Les musiques électroniques et les musiciens qui les pratiquent constituent, à mon sens, une palette sonore très importante, que j’apparente à celle que l’on peut avoir en jazz dans une configuration trompette-sax-trombone ; ou même, violon- vibraphone-harmonica et accordéon… alors pourquoi ne pas faire de l’électronique un instrument à part entière ? La seule différence étant que les musiciens qui font de l’électro ne travaillent pas de la même façon que ceux qui jouent du jazz et ce ne serait pas très cool de leur dire : « voilà les morceaux. Trois, quatre, on y va ! » car ça ne marche pas pour ce genre d’instrumentation.
- Tous les musiciens ayant participé à mes projets ont apporté une spécificité, que ce soit pour Freak In, Keystone ou High Risk aujourd’hui. Shigeto transmet son éclectisme musical tout en restant ouvert à d’autres expérimentations soniques. Avant de jouer, je lui ai montré quelques compos et nous avons réfléchi ensemble au son que l’on pouvait leur donner. Il est revenu avec beaucoup d’idées et il continue, lors de chaque concert, à essayer de nouveaux concepts.
- Un détail important que peut-être vous avez remarqué lors du concert de ce soir : sur certains morceaux, le bassiste et le batteur jouaient avec des casques. Chose qui ne se fait pas en jazz (et je ne serais pas surpris que certains puristes désapprouvent cette pratique !) mais nous ne faisons que nous adapter à la technologie qu’implique les musiques électroniques. Il faut pouvoir entendre certaines boucles, certains sons et autres effets pour pouvoir jouer et interagir entre musiciens. On peut décrire ce dispositif comme un nouveau langage et c’est ce qui m’intéresse le plus en musique, dans ce projet en particulier comme dans tous les autres. Comment communiquer chaque jour un peu mieux les uns avec les autres ?
- HIGH RISK est une première en terme de collaboration avec ce quartet. Je connais Jonathan (Maron) depuis longtemps ; Mark (Guiliana) depuis cinq ou six ans et j’ai rencontré Shigeto l’année dernière, lors d’une séance d’improvisation. Il connaissait ma musique, je lui ai fait part de mon projet et je suis allé à un de ses concerts.
Pour le reste, j’avais déjà Mark en tête. Il se trouve que Mark et Shigeto avaient entendu parler l’un de l’autre mais n’avaient jamais travaillé ensemble. Quant à Jonathan, c’est un bassiste qui est impliqué depuis longtemps dans la production, les beats et les sons électros. D’où cette idée de jouer également du Mini Moog (basse synthé). Un son qui sort de l’ordinaire et qui se fond naturellement bien dans l’ensemble grâce à l’expertise de Jon.
- Et donc, lorsque la séance d’enregistrement a été prévue, je me suis réjoui de toutes les nouvelles possibilités que ce casting m’offrait et j’ai composé en m’assurant de laisser suffisamment de place pour que chaque personnalité puisse s’exprimer librement. Ceci est valable pour tous mes projets mais avec HIGH RISK, il est question de sons nouveaux et d’interactions nouvelles ; ce que j’ai gardé à l’esprit dans le processus de création. Une composition comme « Cardinals », que l’on retrouve sur l’album, ne peut pas fonctionner avec mon quintet, ni même avec mon sextet car je l’ai pensée spécifiquement pour chacun des membres du quartet.
- L’idée première derrière HIGH RISK est de créer une situation « à hauts risques », avec beaucoup d’improvisation. Ne pas savoir où nous allons mais tracer un sillon ensemble, dans l’instant : tel est le défi par excellence que nous nous lançons.
En fait, notre démarche peut s’apparenter à du free jazz et je sais qu’elle s’inscrit complètement dans la ligne artistique du festival des Rencontres Koa Jazz. Je suis donc doublement ravi d’avoir été invité par le collectif pour présenter ce nouveau projet ici-même, à Montpellier.
- Avec HIGH RISK, je ne voulais pas que la trompette soit forcément au premier plan. J’ai voulu sortir du rôle de soliste pour jouer davantage celui d’accompagnateur, en jouant notamment les lignes de basses ; au risque de dérouter un peu mes auditeurs mais qu’importe. Ce qui compte pour moi en tant que trompettiste, c’est que tous ces rôles complémentaires soient un bon soutien pour le groupe et pour notre musique. Un soutien dépourvu d’égo - une qualité que l’on retrouve chez chacun des musiciens du projet.
- Le concert de ce soir à Montpellier était très spécial pour nous car il marquait la fin de notre tournée européenne et la participation chaleureuse du public tout le long du set a généré une énergie nouvelle.
le site de Dave Douglas
le site des Rencontres Koa Jazz
le compte-rendu du concert
[1] album paru sur GREENLEAF MUSIC, le label du trompettiste