Chronique

David Murray - Infinity Quartet

Be My Monster Love

David Murray (ts), Marc Cary (p, org), Nasheet Waits (dm), Jaribu Shahid (b) ; invités : Bobby Bradford (cnt), Macy Gray (voc), Gregory Porter (voc)

Label / Distribution : Motéma/Membran

David Murray (né en 1955) vient de sortir Be My Monster Love, énième album d’une discographie innombrable. Et bon sang, que ça pulse ! Comme qui dirait une histoire d’amour vache, et même assez salée pour commencer par un « French Kiss for Valerie » - cette Valerie sans accent qui semble enfiévrer le plus parisien des sax afro-américains (après Shepp, quand même). Tout part du poème d’Ishmael Reed qui donne à la fois son titre à l’album et sa tonalité générale – tonalité tonique, et aussi lyrique, avec la voix âpre de Macy Gray.

Ce disque sonne pour David Murray comme un aboutissement, la synthèse d’une itinérance qui aura affronté les tempêtes du free et du post-bop avant de se réfugier dans les îlots caribéens et plus précisément antillais, sans jamais renier le gospel du petit pentecôtiste d’Oakland, ni la révélation, à onze ans, de Sonny Rollins.

Ce Monster Love semble contenir… on serait tenté de dire « tout le jazz », mais n’exagérons rien. Tout de même, n’entend-on pas ici ou là des bribes d’Ellington, d’Ayler et de Coltrane bien sûr, de Ben Webster à l’occasion, et même de Nat King Cole ? Ainsi, quand il invite Gregory Porter pour trois morceaux, dont cette « Armée des croyants » qui convoque le B3 comme dans les meilleurs Ray Charles.

Par son jeu à la fois structuré et aventureux, Murray réalise ici l’alliance de la tradition et de sa subversion, selon la loi du jazz, laissant libre cours à l’impétuosité de son Infinity Quartet : le pianiste / organiste Marc Cary, le batteur Nasheet Waits et le bassiste Jaribu Shahid – sacré édifice rythmique. Rappelons que ce même Marc Cary a œuvré, ô combien, aux côtés d’Abbey Lincoln durant de longues années - qui résonnent encore ici.

Invité lui aussi, Bobby Bradford et son cornet sur « The Graduate », ballade soutenue amenant au mieux le final (« Hope Is A Thing With Feathers »), également signé Ismael Reed, radieusement porté par Gregory Porter et par l’autre voix, celle du ténor de Murray.

Mention spéciale à « Stressology » qui magnifie le quartet dans les hauteurs de l’« infinity », celles du plaisir du jazz à écouter par tous les sens. Les réjouis-sens, en quelque sorte…