Chronique

Erik Friedlander

Prowl

Erik Friedlander (cello), Stomu Takeishi (elb), Satomi Takeishi (dm, perc), Andy Laster (as, cl)

Label / Distribution : Cryptogramophone/Orkhêstra

Avec Prowl, Erik Friedlander propose une formule qui est l’extension de son trio Topaz. Topaz, rappelons-le, c’est Erik Friedlander au violoncelle, Andy Laster au saxophone alto et à la clarinette, Stomu Takeishi à la basse électrique. De l’aveu du leader, cette formation exclut délibérément les instruments polyphoniques - piano ou guitare par exemple. Le trio souffrait toutefois d’une absence de percussionniste : Friedlander a donc fait appel aux services de Satoshi Takeishi, frère de Stomu. C’est ce quartet qu’on retrouve sur Prowl. Formule gagnante : par la variété de leurs timbres et la diversité du jeu de Satoshi Takeishi, les percussions, élégantes autant que virtuoses, ajoutent une couleur orchestrale bienvenue à ces compositions que le leader qualifie de chamber jazz.

La grande réussite de ce trio devenu quartet est de placer chaque instrumentiste à l’égal des autres : les frères Takeishi ne jouent donc jamais le simple rôle de section rythmique mais participent au premier plan au jeu collectif en interagissant en permanence avec le violoncelle – volontiers en retrait –, le saxophone ou la clarinette. Développant des signatures rythmiques complexes et labyrinthiques, marquant la pulsation autant qu’ils l’escamotent pour mieux la convoquer à nouveau par la suite, ce sont eux qui guident les morceaux au détour de structures surprenantes aux atmosphères mystérieuses (« Prowl », « Rain Bearers », « A Dangerous Game »), dans un équilibre indécidable entre écriture et improvisation.

C’est là que Friedlander impose sa marque : proposer une musique aussi sobre que complexe, capable de se déployer en longues volutes contrapuntiques autant que de se réduire à un minimalisme extrême, comme ces moments superbes où le bassiste seul fait résonner quelques harmoniques dans « Howling Circle ». Une musique où la rigueur apollinienne des compositions le dispute à la liberté en demi-teinte de digressions au lyrisme mat et intense. Une musique qui emprunte à toute une gamme de traditions musicales (jazz, américaines, européennes, africaines, orientales) entièrement refondues dans une écriture singulière. Une musique de premier choix qui fait entendre quatre instrumentistes au meilleur de leur forme.