Chronique

Faehndrich / Doran / Schnyder / Wettstein

Âme Sèche

Walter Faehndrich (vla), Christy Doran (g), Remo Schnyder (ss), Samuel Wettstein (elec)

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

Sans se lancer dans une réflexion sur la philosophie morale d’Héraclite [1], il convient de dire que pour le philosophe, l’âme sèche est la plus sage, en opposition à celle – humide donc - des libations de Dyonisos. Nul ne sait, puisque la pochette a fait vœu d’ascèse, s’il s’agit d’un hommage au penseur ionien du quatrième siècle avant notre ère, mais la musique laisse quelque piste. Sur le bourdon stridulant du violon alto du suisse Walter Faehndrich, les notes sont dépouillées, entre les sons courts et presque plaintifs de Remo Schnyder au saxophone et les effleurements de frettes de la guitare de Christy Doran. Ce n’est pas sur cette âme-là qu’on bâtira une champignonnière.

Quel est le taux d’humidité de de ce quartet qui publie chez Leo Records ? En treize tableaux comme autant d’approches, parfois rendus étranges par les synthétiseurs égrainés de Samuel Wettstein, on serait tenté de dire qu’il est proche de zéro. La musique est ardue, comme dans ce « 2 » où il donne à la guitare un aspect lointain presque étouffé, mais loin d’être morne. Ce qui se joue se déroule dans l’infiniment petit, là où le silence règne en maître et où parfois un cri provient des abysses. En de rares occasions, notamment sur le tableau « 5 », les chuchotis de Faehndrich apportent un relief accentué lent et plutôt intense, comme un rêve vaguement malsain. Sur « 7 » également, le synthétiseur donne de l’allant à Christy Doran pour humecter l’âme du violon alto.

Faehndrich n’est pas l’altiste le plus connu dans nos contrées où Frantz Loriot, dans un style différent et plus sanguin, a davantage de renommée. C’est pourtant lui qui enregistra le premier, il y a trente ans, un solo de violon alto pour ECM (sobrement appelé Viola). Son jeu, assez proche d’un Zingaro, laisse beaucoup de place aux autres improvisateurs nonobstant son omniprésence… Comme un petit ruisseau qui coule. De quoi nourrir une âme pas si sèche que ça et qui sait être généreuse (« 8 »). C’est toujours Dionysos qui gagne.

par Franpi Barriaux // Publié le 7 avril 2019
P.-S. :

[1Où peuvent bien nous mener, parfois, les chroniques musicales…