Chronique

Guy Darol

Wattstax : 20 août 1972, une fierté noire

Label / Distribution : Castor astral

Jamais ouvrage ne pouvait mieux tomber. Guy Darol ne le savait sans doute pas lorsqu’il se mit à l’ouvrage pour Wattstax, mais la lecture de cet ouvrage paru dans la collection A Day in a Life documente avec gravité les événements en cours aux Etats-Unis. Mobilis in Mobile : Minneapolis a remplacé Los Angeles. Entre deux, la cité des anges avait si mal porté son nom que Rodney King y succomba en 1992 ; en 2012-2013, le mouvement Black Lives Matter reprenait le flambeau d’une lutte organique qui zèbre les Etats-Unis depuis ses origines et qui compte des explosions régulières. Dans le rôle de Woodrow Wilson, nous avons désormais Trump. En 1972, c’était Nixon : la machine ségrégationniste fait peu de cas de la qualité de ses représentants.
 
Wattstax, c’est l’histoire d’une utopie concrète. Celle de John Kasandra de voir émerger un Woodstock noir. Et si l’on n’attendait pas forcément Guy Darol sur ce terrain, plus habitués que nous sommes à le voir évoquer Zappa dont il est spécialiste, force est de constater qu’il utilise les mêmes recettes : recherches précises, mises en perspective et érudition musicale. Le récit de l’organisation de ce concert au Los Angeles Memorial Coliseum, l’histoire rocambolesque et séminale du label Stax, les émeutes de Watts de 65 qui ressemblent tant à celles d’aujourd’hui, l’attentat de l’église baptiste à Birmingham, Alabama, la mort de Luther King, des personnages fascinants comme Rufus Thomas, William Bell ou Isaac Hayes… tout est démonté avec minutie dans ce livre qui sait que si l’on se souvient de l’instant décisif, ce qui compte, ce sont les racines qui y ont conduit.
 
Et comme Darol ne peut pas faire un livre sans évoquer Zappa, on se souviendra qu’on doit au divin moustachu la chanson « Trouble Every Day » qui mettait des mots en 1965 sur un sentiment général que l’on ressent depuis de trop nombreuses années :

Hey, you know something people ?
I’m not black
But there’s a whole lots a times
I wish I could say I’m not white [1]

 
Wattstax est une formidable porte d’entrée, surtout si l’on est féru de musiques, pour comprendre et se documenter sur les enjeux de notre temps. On y ajoutera volontiers Chroniques d’un enfant du pays de James Baldwin, Une histoire populaire des Etats-Unis d’Howard Zinn, Mémoire d’un rouge d’Howard Fast et Les Noirs de Philadelphie de W.E.B Du Bois. Mais pour débuter l’été, le livre de Guy Darol est idéal.

par Franpi Barriaux // Publié le 7 juin 2020
P.-S. :

[1Vous savez quoi les gars ?/Je ne suis pas noir/ Mais il y a un paquet de fois/ Ou je préférerai dire que je ne suis pas blanc