Chronique

Fay Claassen

Two Portraits of Chet Baker

Fay Claassen (voc), Hein van de Geyn (b), John Engels (d), Jan Menu (bs), Karel Boehlee (p), Jan Wessels (tp)

Label / Distribution : Munich Records

Afin de fêter les 75 ans de la naissance de Chet Baker, le label Jazz ’n Pulz publie Two Portraits of Chet Baker, dont les deux volumes sont disponibles ensemble ou séparés. Le rôle de Baker y est tenu par la chanteuse néerlandaise Fay Claassen, entourée notamment de Hein Van de Geyn et John Engels, des musiciens qui ont accompagné le trompettiste.

Le choix d’une femme pour tenir le rôle de Baker souligne le trouble que jetait à l’époque l’alliage entre sa voix androgyne, sa recherche de simplicité (ou devrais-je dire de la justesse) mélodique et sa « belle gueule ». Il est d’ailleurs étonnant (c’est probablement la plus grande trouvaille de l’album) de constater à quel point non seulementce « travestissement » ne choque pas, mais paraît naturel au point de passer quasi inaperçu.

Le premier CD pourrait tout aussi bien être un hommage au Gerry Mulligan Quartet au sein duquel Chet Baker s’est d’abord fait remarquer au milieu des années 50. Du coup, Jan Menu se retrouve projeté dans le rôle de Mulligan, qu’il tient en expert mais sans reproduire tout à fait la fabuleuse légèreté de ce dernier. La formule originale est repectée de très près : pas de piano, swing, contrepoint joyeux sur les morceaux rapides, émotion sur les ballades. Claassen vocalise et scatte ce qu’aurait pu jouer la trompette. Le groupe passe en revue les grands classiques de Mulligan comme « Line For Lions », « Jeru » ou « Walking Shoes ».

Le deuxième CD examine la carrière de chanteur qui a fait de Chet Baker une icône. Ici, le quartet sans piano se transforme en quintet (section rythmique, trompette, voix) et reprend des standards : « I Fall In Love Too Easily », « Let’s Get Lost », « My Funny Valentine »… Etant bonne chanteuse, Claassen apporte une précision et une facilité que Chet Baker n’avait pas, avec pour résultat que le propos se dilue un peu pour devenir trop souvent une élégante session tamisée et rétro de jazz vocal, rien de plus. C’est en se décalant un peu de cette atmosphère qu’on retrouve le mystère du trompettiste disparu, notamment avec le sombre « Retrato em Branco e Preto » de Tom Jobim et Chico Buarque.