Entretien

Alexi Tuomarila

A la sortie de son deuxième album, le pianiste finlandais se présente.

La Belgique est à la croisée de nombreux chemins, à tel point que ses contributions sont souvent assimilées à celles d’autres cultures. Alexi Tuomarila a fait le chemin inverse, devenant en 10 ans un membre à part entière du paysage du jazz belge.

02 est son deuxième album en tant que leader et le premier d’un contrat de 3 albums signé avec la Warner Finland. Son quartet sera le 14 juin 2003 au Sunset à Paris.

J’ai commencé à faire du piano à 4 ans quand mes parents en ont acheté un à ma soeur. Au début je n’avais pas le droit d’en jouer, alors je le faisais quand ils n’étaient pas là. A 6 ans j’ai commencé des études de piano classique, dans une ville proche d’Helsinki.

La musique a toujours été présente autour de moi : mon père jouait beaucoup d’albums de jazz et ma mère m’emmenait à des concerts de musique classique. Je me suis d’abord intéressé au jazz à 14 ans, mais j’ai commencé à en jouer seulement à 19. A force d’écouter du jazz à la maison, j’ai décidé d’apprendre tout ce qu’il y avait à apprendre sur cette musique. Je me suis présenté au concours d’entrée du Conservatoire d’Helsinki et, à ma surprise, ils m’ont accepté, ainsi que 3 autres candidats.

Mes parents ont ensuite déménagé à Bruxelles et je les ai suivis un an plus tard. Le concours d’entrée au conservatoire se déroulaient juste au moment où je suis arrivé, alors j’ai tenté ma chance. J’y ai passé 5 ans et en suis sorti en 1999. J’ai eu Diedrik Wissels et Nathalie Loriers comme professeurs et notamment Jozef Dumoulin comme camarade de classe.

© Jos L. Knaepen

Ca fait maintenant 10 ans que je suis en Belgique. On a récemment tourné en Finlande et alors que je me sens profondément finlandais, certaines personnes en Finlande considèrent que je viens de l’extérieur. D’ailleurs, 02 sort sur la branche finlandaise de Warner.

Le passage d’Igloo, un petit indépendent belge, à une major comme la Warner a des avantages et des désavantages. Warner fait beaucoup de travail de marketing, promotion, tout le côté business. Par contre, je ressens un peu plus de pression. Pour le premier disque, personne n’avait d’attentes, maintenant il y en a. Aussi, on a enregistré l’album 9 mois avant sa sortie, alors que le premier est sorti 2 mois après son enregistrement. Alors le répertoire qu’on joue en concert est un peu dépassé, pour moi.

C’est au conservatoire que mon quartet s’est formé. Il est composé de Nicolas Kummert au saxophones ténor et soprano, Christophe Dervisscher à la contrebasse et Teun Verbruggen à la batterie. Comme je ne suis pas une personne extravertie, j’ai eu un peu de mal à m’intégrer quand je suis arrivé. Heureusement j’ai trouvé quelques très bons amis, comme ces trois-là. Au fil des années nous avons construit des liens forts, nous ressentons le rythme interne de chacun.

Notre premier concert, en 1999, a été la compétition Hoeilaart, dont nous avons remporté les prix du meilleur groupe et du meilleur soliste. En 2001 j’ai remporté le concours du meilleur soliste jazz à Monaco. Je n’aime pas tellement me présenter aux concours, mais j’estime que c’est assez important au niveau de la carrière, même s’ils ne sont pas comparables au concours en musique classique. Le concours Hoeilaart nous a permis d’enregistrer notre premier album, la presse parle des résultats… D’ailleurs, nous avons aussi remporté le Tremplin Jazz d’Avignon en 2001, ce qui nous a octroyé deux journées de studio, auxquelles la Warner Finland à ajouté une journée. C’est comme ça qu’est né 02.

© Jos L. Knaepen

La musique classique est encore très importante pour moi, mais j’essaie de plus en plus de retourner aux bases de la tradition jazz, les années 60, Herbie Hancock. Je me sens très proche de Keith Jarrett et Brad Mehldau, mais je ne peux expliquer pourquoi. Jarrett est incroyable, il est parfait tout le temps. Je l’ai étudié de manière intense, ainsi que Bill Evans, en transcrivant des solos, notamment sur des standards.

Mes compositions ne sont pas spécifiques au quartet. J’essaie de créer de belles mélodies, sans penser à la théorie harmonique, à comment les accords doivent se suivre. C’est un processus difficile : j’essaie de composer tous les jours, donc beaucoup d’idées se retrouvent à la poubelle avant que de bonnes n’émergent.

Je ne joue pas encore beaucoup de standards car je ne parle pas encore ce langage de manière courante. Je n’arrive donc pas encore à y exprimer quelquechose de personnel et d’unique. Je travaille sur des standards de base, comme Stella by starlight. Je pense qu’il est encore important pour un musicien de jazz d’être à l’aise avec les standards.

J’entends que ma musique est en train de changer, pour s’orienter plus vers le jazz et les standards. Les deux premiers albums sont dans la même veine, mais je pense que le troisième sera différent : peut-être un album de standards en trio. Tous les pianistes veulent avoir un trio et je vais justement partir en tournée avec un bassiste norvégien et Teun Verbruggen. En trio on a plus de liberté, mais aussi plus de responsabilités. J’aimerais participer à plus de groupes en tant que leader ou sideman, mais j’ai déjà assez de mal avec ce mes groupes du moment !