Tribune

France Musique, haro sur la création ?

Alors que le mois de mai débute à peine, coup de froid sur la création musicale sur la radio publique française


Anne Montaron, Emilie Lesbros (c) Michel Laborde

Chaque année ou presque c’est la même rengaine, aussi cyclique que les soldes ou les bouchons du tunnel de Fourvière : la rumeur évoque la volonté de la direction de Radio France de réaliser des économies pour la rentrée prochaine en se séparant des émissions consacrées aux musiques improvisées et à la création sonore. Ou comment se faire de la marge sur les marges.

C’est un bruit, persistant. A tel point que les pétitions se fourbissent déjà. Alors que Radio France enregistre des audiences remarquables, supplantant les vieilles radios périphériques, la tentation est forte d’abandonner ce qui a fait depuis des décennies son ADN, et même sa réputation mondiale : la création et l’ouverture tout azimut. Déjà réduites à une portion congrue réservée aux noctambules et aux utilisateurs de podcasts, les émissions A l’Improviste d’Anne Montaron et Le Cri du Patchwork de Clément Lebrun - deux moments importants, focus majeur sur des musiques empruntant des itinéraires bis, voire des chemins de traverse - sont menacées à la rentrée. A côté d’eux, d’autres émissions de création : Tapage Nocturne, Couleurs du Monde et le Portrait Contemporain. Un bruit que les réseaux sociaux amplifient, sans pour autant obtenir des réponses de Radio France.

Dans les précieux studios de la Maison Ronde, propriété de l’Etat et bien commun, l’émission d’Anne Montaron a accueilli dans les mois passés Christine Wodrascka, Bernard Santacruz, Claude Tchamitchian ou Denis Charolles entre autres. La production s’est aussi déplacée, du Festival PiedNu au Havre au fin fond de la Creuse en passant par l’Atelier du Plateau ou le Petit Faucheux, pour ausculter les territoires où la musique palpite et témoigner de la vivacité de l’instant. Bref, assurer un travail de Service Public, qui consiste à offrir un large spectre culturel de qualité aux auditeurs. Avec une utilité évidente : l’émission du 9 mai, diffusée en parallèle sur Dailymotion, a déjà été vue plus d’une centaine de fois. C’est certainement moins qu’une émission lambda d’Inter ; mais parlant d’économie, laquelle coûte le plus cher ?

C’est le principe des bruits persistants : les réseaux sociaux leur servent de caisse de résonance, et nous tenons tant à notre service public radiophonique et à son histoire qu’il convient à notre tour de nous en inquiéter. Il est sans doute trop tôt pour que les décisions soient prises définitivement. Il est encore temps pour les décideurs, souvent très attachés à l’esprit de la Maison Ronde, de se souvenir de ce qui a fait l’histoire de ses studios. La mobilisation du monde de la musique improvisée, elle, est déjà en marche à la suite de ces informations que l’on espère erronées : dans un monde où les marges n’ont plus droit de cité ou même celui de survivre, il n’est pas possible que l’on ferme la dernière fenêtre sur la diversité pour la remplacer par un robinet musical. Ou alors, les directions prises dans la course à l’audience n’en seraient que plus claires.