Chronique

Gilad Atzmon & The Orient House Ensemble

musiK / Re-Arranging the 20th Century

Gilad Atzmon (saxes, cl, tb, sol, flûte shabbaabeh, piccolo), Frank Harrison (p), Yaron Stavi (b), Asaf Sirkis (dms), Romano Viazzani (acc), Dumitru Ovidiu Fratila (vl, trompette-violon), Robert Wyatt (tp, voc), Guillermo Rozenthuler (voc), Matthaios Tsahourides (bouzouki, lyre pontique), Tali Atzmon (voc)

Label / Distribution : Enja Records

Après l’excellent Exile paru en 2003, Gilad Atzmon poursuit la route de l’engagement en compagnie de son Orient House Ensemble et d’un invité de marque : Robert Wyatt (Atzmon ayant lui-même participé à l’album de Wyatt Cuckooland).

musiK, comme le laisse entendre son sous-titre Re-Arranging the 20th Century, propose une relecture ambitieuse d’une facette de la musique du siècle dernier. Tel le chariot ailé de l’âme cher à Platon, Atzmon est à la recherche de la beauté originelle de la musique avant que cette dernière ne devienne un quelconque produit de consommation courante. Comme le dit Atzmon, « musiK is music when it is stripped of its market value » [1]. Et il l’illustre sans concession dans le morceau « Liberating the American People », qui flirte avec l’esprit du free jazz.

Pour satisfaire cette quête, on retrouve une conception de l’arrangement et de
l’interprétation typique de l’Orient House Ensemble : comme dans Exile, le mélange des styles musicaux est fréquent et pertinent, alliant le tango (« Tutu Tango ») et l’ambiance cabaret de morceaux européens tels que « Mack The Knife » ou « Beer Barrel Polka », sans oublier les influences grecques ou turques des différents membres du groupe, ni les superbes ornementations du Moyen Orient. De ce point de vue, l’éternel « Lili Marleen » est à lui seul un sommet, qui atteint la grâce dès l’introduction à la clarinette basse.

Mais au-delà de cette diversité de styles, musiK se distingue de l’album précédent par une grande palette émotionnelle : ici, à l’image de la vie, la gravité se mêle à l’ironie et à l’humour, comme dans le texte iconoclaste récité par Wyatt en ouverture de « Re-Arranging the 20th Century », ou encore lors de multiples et inattendues ruptures de rythme ou de mélodie.

musiK est un album d’une rare densité, et à vouloir embrasser un objectif aussi ambitieux, Atzmon semble parfois avoir du mal à choisir la voie à suivre, rendant ponctuellement le disque trop hétérogène pour atteindre à l’unité d’une oeuvre. Néanmoins, il redonne au jazz ce qui lui fait souvent défaut depuis des années : un propos, un engagement.