Scènes

Giovanni Mirabassi back from London

De retour de Londres, où il vient d’enregistrer avec des musiciens anglais - dont Tim Whitehead au saxophone ténor -, le pianiste italien Giovanni Mirabassi a enflammé Le Réservoir avec son essence lyrique.


Le 10 avril 2005, le Réservoir, salle parisienne habituellement réservée aux vedettes de la pop music ( The Cure, Radiohead y sont passés), s’ouvrait au jazz pour un quartet européen (Italie, Angleterre, France) inédit et renversant.

Le Réservoir. Paris. Mardi 10 avril 2005. Concert organisé par Cirkus Productions.

  • Giovanni Mirabassi : P
  • Tim Whitehead : Ts
  • Marc Michel Le Bevillon : B
  • Matthieu Chazarenc : Dm

Afin de nous mettre dans une bonne ambiance, en fond sonore, passent Birth of the Cool de Miles Davis puis Maiden Voyage d’Herbie Hancock.

Mirabassi m’avait prévenu que Tim Whitehead avait un son à la Bob Berg, sax ténor US qui accompagnait Miles Davis il y a vingt ans. C’est bien cela. Un gros son blanc américain, viril et efficace. Le piano est lui fluide et chantant. La pression monte et descend à volonté. Ils décollent facilement et me laissent en l’air, planant avec eux. C’était « A New Day » de Tim Whitehead.

S’ensuit une valse de Mirabassi « Des jours meilleurs ». Retour au standard avec « You Don’t Know What Love Is ». Souvenir de Chet Baker, qui aimait tant l’Italie et qui a beaucoup influencé les jazzmen italiens. Une intro piano/sax ténor. La rythmique les rejoints. Marc Michel Le Bevillon domine sa contrebasse.

Mirabassi annonce ensuite « Bolivia » comme un standard. N’est-ce pas un morceau de Gato Barbieri ? Vu le son chaud et latin de ce morceau, c’est bon comme du Gato. Chazarenc délivre des breaks ébouriffants sur ses tambours. Le Bevillon impulse l’espace. Mirabassi annonce la fin du 1er set mais s’aperçoit qu’il s’est trompé. Pour conclure, une composition de Tim Whitehead « Dancing ». Le titre est tout à fait approprié. C’est du funk blanc. Le Bevillon fait plaisir à voir et son slap fait plaisir à entendre. Chazarenc, que j’avais découvert à Paris dans un Franc Pinot désert en décembre 2004, tient ses promesses. Quel groove ! Malheureusement, personne ne danse.

Giovanni Mirabassi, par P. Audoux

Pendant la pause, en fond sonore, Wes Montgomery avec Jimmy Smith.

Pour reprendre, un duo piano/saxophone ténor sur « Imagine » de Lennon. Cette fois-ci, l’arrangement est de Tim Whitehead, m’a averti Mirabassi. Cette version est donc différente de celle enregistrée par Giovanni sur son album solo Avanti. Whitehead suit la mélodie alors que Mirabassi brode autour. Malgré son son, Tim Whitehead est bien anglais. La preuve, la façon dont il joue Lennon.

Une « Barcarolle » de Mirabassi s’ensuit en quartet. Un nouveau morceau mélodieux, chantant, lyrique. Bref, italien ! Un petit voyage aux USA avec « Ladies in Mercedes » de Steve Swallow. Morceau au feeling latin jazz sur lequel Mirabassi fait fumer son piano, soutenu par la pulsation diabolique de sa rythmique. Pour calmer le jeu, « Tenderness » , une ballade de Tim Whitehead. Puis le quartet repart sur une musique plus virile, plus dansante avec « Tôt ou Tard » de Mirabassi. C’est vraiment sur tempo rapide que ce groupe va le plus loin. Dans le tonnerre d’applaudissements qui conclut ce concert, un spectateur lâche : « énorme ! ». C’est le mot juste.

Ils ne pouvaient nous abandonner ainsi. Alors le quartet remonte sur scène pour jouer « Somewhere » de Leonard Bernstein. Tim Whitehead dédie ce morceau à tous les sans-abri du monde. Cette ballade calme le jeu et clôt le concert en douceur.

par Guillaume Lagrée // Publié le 25 mai 2005
P.-S. :

Giovanni Mirabassi est revenu de Londres à Paris avec un saxophoniste qui n’y avait jamais joué, Tim Whitehead, dans une salle, Le Réservoir, peu accoutumée aux sons du jazz. Pari gagné. On attend avec impatience la sortie de l’album enregistré à Londres par la BBC, avec une rythmique anglaise qui laissera une trace de cette rencontre Italie/Angleterre dont il ne sortira que des vainqueurs.