Chronique

ICP Orchestra

Oh my Dog !

Misha Mengelberg (p), Han Bennink (d), Mary Oliver (vln, vla), Tristan Honsinger (cello), Ernst Glerum (b), Ab Baars (ts, cl), Michael Moore (as, cl), Wolter Wierbos (tb) Thomas Heberer (tp)

Label / Distribution : BVHAAST

Ce qui me frappe au premier abord, c’est l’extrême sophistication de cette musique et ceci sur plusieurs niveaux : arrangements, écoute mutuelle, liberté. Ce qui permet de créer une musique où cohabitent joyeusement les éléments les plus disparates : fanfares campagnardes et musique classique, arrangements précis et désir de subversion, la cacophonie et le silence (et tous les degrés entre), la mélodie et la dissonance, sans oublier un humour et une joie de vivre presque omniprésents. De plus, ces éléments ne sont pas seulement enfilés l’un à la suite de l’autre, mais sont aussi superposés et intégrés. Dans Close Encounter with Charles’s Country Band, par exemple, des interventions qui semblent être des « parasites » à la mélodie se révèlent être des parties arrangées qui contribuent au thème.

Les morceaux improvisés bénéficient non seulement de l’écoute mutuelle, mais surtout de la capacité de retenue, de respect mutuel et d’à-propos de chaque musicien, indispensables dans ce genre d’exercice si l’on veut éviter le non-sens. Mengelberg est à ce titre exemplaire : discret mais présent, varié mais reconnaissable. Ces morceaux se structurent donc de manière organique : tension-détente, expression soliste ou plurielle, relances, transitions entre l’arrangé et le spontané, semblent jaillir naturellement, fruits des qualités sus-citées. La musique elle-même s’exprime, plutôt qu’un quelconque ego de musicien.

Je termine en regardant d’un peu plus près l’humour de cet album, car c’est un élément qu’on s’imagine souvent (à tort) absent des musiques avant-gardistes. D’abord les titres : Write Down Exactly et Precise Dimensions and Weight, sont de surprenantes descriptions pour des improvisations collectives, tandis que les titres de la « suite animalière » de Honsinger ne craignent pas le ridicule. Du côté de la musique, il y a le kitsch de Sparkling, les chants de Oh my Dog ! ou encore ces éclats sans forme qui viennent de temps à autre troubler de paisibles passages de cordes.