Chronique

Archie Shepp

I Know About the Life

Archie Shepp (ts), Ken Werner (p), Santi Debriano (b), John Betsch (d)

Label / Distribution : Hatology / Harmonia Mundi

Cette ré-édition d’un enregistrement de 1981 laisse une impression mitigée.

Le morceau-titre est une évocation très poignante d’une vie passée sur la route ; c’est la meilleure plage de l’album. L’attaque rauque d’Archie Shepp, à la limite de l’effondrement, le tire tout juste d’affaire sur « Well You Needn’t », même s’il contourne les particularités harmoniques du pont. En revanche, « Giant Steps » donne lieu à des déboulés de saxophone peu intéressants et l’intonation chancelante de Shepp sur « Round Midnight » est tellement évidente qu’on a presque honte pour lui, d’autant qu’il escamote une fois de plus la composition de Monk.

Bien que cet album ne puisse être recommandé qu’aux collectionneurs avides de Shepp, par moments le cri du cœur parvient à percer à travers les défaillances. Ces notes-là touchent à un pathos cru, à l’histoire d’un homme finalement seul, qui cherche à être reconnu, à trouver sa place dans le monde en partageant sa douleur et son vécu. Le manque de pudeur du saxophoniste sur « Round Midnight » est peut-être aussi une supplication, presque désespérée, adressée à l’auditeur. Sans vouloir dénigrer les très grands musiciens qu’ils sont, les performances des autres membres du quartet, bien qu’infiniment plus sûres techniquement, ne possèdent pas le même impact émotionnel.

En mars 2004, Archie Shepp se produit à Bruxelles en duo avec la magnifique pianiste et chanteuse Amina Claudine Myers et est non seulement émouvant, mais aussi beaucoup plus à l’aise techniquement que l’on aurait pu s’y attendre. Blues, gospel, bop, tous marqués par le cri du free : Shepp a encore des choses à dire, jouer et chanter, espérons qu’il aura l’occasion de les graver sur disque.