Chronique

Ig Henneman

Solo Songs For Instruments

Dana Jessen (bsn), Lidy Blijdorp (cello), Elisabeth Smalt (vla), Diamanda La Berge Dramm (vln), Anna Voor de Wind (bcl)

Label / Distribution : Catalytic Sound

Enregistrées de 2015 à 2020, les Solo Songs for Instruments sont l’occasion double de découvrir le travail d’écriture de l’altiste Ig Henneman, figure de la musique improvisée batave. On connaît la musicienne pour son travail en formation large, notamment en sextet avec Axel Dörner et Wilbert de Joode, mais aussi dans le duo avec son compagnon, le saxophoniste Ab Baars. Ici, Henneman se livre à un travail d’écriture d’inspiration poétique, confié à des solistes féminines dans des morceaux longs, ouverts, qui prolongent le texte dit par les interprètes. D’Emily Dickinson (I Felt a Cleaving in my Mind) à Nanao Sasaki (Soil for Legs), ce sont cinq plages d’une dizaine de minutes qui mettent en scène des instruments familiers de la musique de chambre (violon et alto, basson…) aux timbres proches de la voix humaine.

Ainsi Dana Jessen, bassoniste dont le parcours aux franges de la musique contemporaine a croisé les œuvres de George Lewis et Sam Pluta, offre avec « Harwood Floorboards » une lecture assez intense d’un poème de Sarah Lawson, qui ressemble parfois à un soliloque agressif usant de toute la raucité de l’instrument, même si elle retourne aisément dans une registre plus doux et plus rond. Le texte, tout en allitérations, est certainement l’un des exercices les plus intéressants de l’album, tout comme la dissonance calculée de la prodigieuse Néerlandaise Diamanda La Berge Dramm, à qui l’on doit un récent travail autour de Charles Ives. Le poème d’Ingeborg Bachmann, In The Storm of Roses, est l’occasion d’une musique très contrastée, proche de la rupture, où les parties très improvisées laissent beaucoup de place à la sensibilité de la violoniste.

On peut penser à Berio dans la démarche : une écriture destinée à un instrument et à toutes ses capacités étendues, mais il n’y a pas dans l’idée d’Henneman la notion de performance. Il ne s’agit pas d’aller aux limites de l’instrument, il s’agit de discuter avec le texte, de jouer avec le sens et les mots pour mieux faire voyager l’auditeur comme l’excellente Anna Voor de Wind, clarinettiste elle aussi très orientée vers la musique contemporaine. Une œuvre totale et sans étiquette qui offre l’occasion de découvrir quelques virtuoses.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 avril 2021
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