Tribune

Jacques Bisceglia (1940-2013), par Yves Frémion

Dans votre vie, avez-vous beaucoup rencontré d’hommes qui aient pu, à la fois, être trésorier de l’Académie du Jazz, membre du Collège de Pataphysique, photographe de milliers de jazzmen, auteur de centaines de pochettes de disques et d’illustrations photos, éditeur de musique (BYG), imprésario de Slim Gaillard, producteur à France Musique, programmateur de concerts, directeur artistique, organisateur de festivals, chargé de cours au Centre de la Musique et de la danse, sur le canapé de qui tous les grands noms du jazz avaient dormi (et lui sur les leurs) ?


Dans votre vie, avez-vous beaucoup rencontré d’hommes qui aient pu, à la fois, être trésorier de l’Académie du Jazz, critique BD près de 30 ans au Collectionneur de bandes dessinées, éditeur de ’’Harry Dickson’’ à Corps 9, bouquiniste sur les quais, spécialiste de la BD underground, du polar, de la SF et de la littérature populaire, collectionneur de poupées Hopi, fan de Jarry, Dubout ou Henry Monier, membre du Collège de Pataphysique, photographe de milliers de jazzmen (des classiques aux plus free), auteur de centaines de pochettes de disques (dans le monde entier) et d’illustrations photos dans des dizaines de journaux et magazines, éditeur de musique (BYG), imprésario de Slim Gaillard, producteur à France Musique, interprète, producteur, programmateur de concerts, créateur d’expositions, gérant de discothèque, directeur artistique, organisateur de festivals, conférencier, secrétaire de rédaction, chargé de cours au Centre de la Musique et de la danse, contributeur du Guide du routard, élu municipal constamment réélu, « collectionneur d’amis » sur le canapé de qui tous les grands noms du jazz avaient dormi (et lui sur les leurs), marié trois fois, père et grand-père, compagnon de soirées et de tant de fêtes, etc etc ?

Nous oui, nous en avons rencontré un.

A l’association Papiers Nickelés, de surcroît, il était arrivé dès la troisième réunion, en octobre 1999, pour élaborer le projet de Centre d’Imagerie Populaire, et y a participé jusqu’en juillet 2010, quand sa maladie a commencé à le handicaper sérieusement. Il est donc un des fondateurs de Papiers Nickelés, la revue, dont le n°1 s’ouvrait sur un de ses articles en 2004. Il en fut le premier rédacteur en chef, avant d’échanger pour la direction de publication en 2006 jusqu’à son retrait. Si, à cause de ses multiples activités, il y a peu écrit, il fut au sein de la rédaction un des ciments les plus forts, grâce à son humour, sa compétence, son sens de la répartie, sa gentillesse. Depuis deux ans et demi que la maladie de Parkinson d’abord, une mystérieuse maladie orpheline ensuite, nous avaient privé de sa présence, nous en avions ressenti le manque.

Son enfoncement inexorable dans la maladie, dont il nous faisait parvenir des nouvelles par mail (il ne pouvait plus parler), puis par l’intermédiaire de Dominique Petitfaux, nous avait désespérés de le revoir.

Jacques Bisceglia est mort le 1er mars, à l’hôpital Jean-Jaurès de Paris. L’équipe de Papiers Nickelés l’a accompagné au Père-Lachaise en compagnie de ses amis du jazz, de la BD, de la photo, du dessin, de la presse, des quais et de ses proches.
Nous présentons, encore une fois, toutes nos amitiés à sa femme, Nana, à ses enfants et à petits-enfants. Tandis que nous pleurions devant son cercueil, dans un autre coin du monde, sa fille accouchait. Un symbole que Jacques aurait adoré.

Salut, vieux compagnon.

Papiers Nickelés