Chronique

Jaster

L’irrésistible odyssée du bathyscaphe

Label / Distribution : Aurasky Music

Formé en 1992, Jaster est un groupe expérimenté de quatre musiciens naviguant librement, en eaux profondes, du jazz à la pop sans oublier l’électro ou le contemporain. Deux sont membres de l’actuel ONJ Frank Tortiller : le créatif vibraphoniste-marimbiste Vincent Limouzin (il appartenait déjà à l’ONJ précédent de Claude Barthélémy) et l’excellent batteur David Pouradier-Duteil. Ils sont soutenus par la clarinette basse de François Creamer (« Innocent Way ») et la basse profonde de Christian Duperrray.
Une configuration originale qui impose une véritable couleur d’ensemble et plonge l’auditeur dans une atmosphère densément palpable. Cette musique nourrie d’influences variées utilise diverses couleurs d’instruments « exotiques », titillant notre imaginaire sans tomber pour autant dans un folklore planétaire : les gamelans javanais, les marimbas mexicains contribuent à un enrichissement des timbres et à un balancement rythmique à la fois léger et intense.

Des pages entrouvertes de l’album s’échappe une musique étrangement séduisante qui groove et nous entraîne dans son sillage, sans mettre en avant un instrument particulier - on s’arrête sur chacun, au fil des morceaux. On perd vite ses références, à moins qu’elles ne réapparaissent pour mieux nous troubler (pop sidérale de Pink Floyd, sons inquiétants de l’incroyable King Crimson sur « Les zamperlus »).

« Jaster » ? Jaste, certes, mais aussi mot-valise, combinaison entre « Jazz » et « astre », tant cette musique nous promène dans une aventure musicale, un concert-expérience, l’irrésistible Odyssée du Bathyscaphe. On l’aura compris, c’est là un parcours qui tient de la BD, de la SF, de l’exploration animalière (la « Calypso » de Cousteau, ou « Vingt mille lieues sous les mers » et son dangereux Capitaine Nemo).

C’est sans doute une des réussites de Jaster que de ne jamais nous faire croire qu’on connaît la destination du voyage : les thèmes se succèdent, à la fois différents et cohérents - seul le déplacement compte. Pourtant, rien n’est moins aléatoire que la trajectoire empruntée par ces musiciens à bord de leur drôle de machine. Avec eux aux commandes, la musique se déplace et on se laisse embarquer dans un stimulant voyage sonore, sans souci de retour.