Le Caire sous le signe du jazz
Quand le jazz fait le printemps… en Égypte
A l’initiative du directeur du centre français de culture et de coopération d’Heliopolis (Égypte), Marc Szuszkin, la programmation des activités culturelles du mois d’avril s’est articulée autour du jazz. Citizen Jazz a été associé à cette première, dans un pays plus à l’écoute du qanoun, de l’oud et de la darbouka que les quintes diminuées et autres chabadas…
Concerts, films, exposition de photos, reportage, conférence et atelier pour enfants ont constitué l’essentiel des festivités.
Côté cinéma, le public a sans doute été davantage attiré par les têtes d’affiche que par le jazz : Bird de Clint Eastwood, Autour de minuit de Bertrand Tavernier et Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle ont été plébiscités (à l’échelle locale, bien entendu). Cela dit, les Accords et désaccords de Woody Allen n’ont pas été boudés pour autant. En fin de compte, si cette « vulgarisation » a permis à certains de rencontrer le temps d’une projection Charlie Parker, Dexter Gordon, Miles Davis et Django Reinhardt, ce n’est déjà pas si mal.
Dans le même ordre d’idée, la conférence-diaporama (« Il était une fois le jazz ») a fait découvrir les principales caractéristiques du jazz et un survol de son histoire, en déclinant notamment une quinzaine de versions de « Summertime ». Les petits n’ont pas été oubliés non plus puisqu’un atelier d’écoute musical et de dessin a été organisé pour que des écoliers s’initient à l’univers du jazz en douceur.
« Regards de Jazz » aura été sans aucun doute l’un des clous de cette carte blanche. Une vingtaine de photographies d’Hélène Collon a été exposée au centre culturel pendant près d’un mois. Outre leurs qualités esthétiques évidentes, ces élégants clichés en noir et blanc ont donné un aperçu particulièrement expressif et documenté de la scène des musiques improvisées en France et ailleurs. Les spectateurs ont pu ainsi se familiariser avec Michel Portal, Médéric Collignon, Élise Caron, Laurent De Wilde, Dave Douglas et bien d’autres artistes qui œuvrent sans concession pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
MO’drums, le trio de Sigfried Mandon et Barend Middelhoff, qui a joué avec Yoni Zelnik pour l’occasion, a été l’autre clou de ce printemps du jazz. Pour le premier concert, la République avait malencontreusement programmé le premier tour des élections présidentielles françaises… Ce qui a bien sûr limité la participation du public français, rivé à sa télévision. Fort heureusement, les amateurs ont pu se rattraper lors d’une soirée à Alexandrie, mais aussi à l’occasion d’un deuxième gig à Heliopolis. La musique de MO’drums a impressionné les Cairotes par sa présence et son sens des réparties, mais également par cette maîtrise de la mise en place qui caractérise ce trio originalement classique.
Échanges bilatéraux obligent : le second groupe convié est égyptien. Le Cairo Jazztet est mené tambour battant par Salah Ragab, l’un des « pères » du jazz local. L’habituel trio (qui compte Ragab à la batterie, Rashad Fahim au piano et Ehab Badr à la basse) s’est mué en quintet avec un ténor et un guitariste. La musique a tourné exclusivement autour de “saucissons” interprétés en be-bop ou bossa nova « bopisante ». L’ensemble est rodé et swingue honnêtement, mais une pincée de piment ne serait pas de trop.
C’est un vrai plaisir d’organiser une carte blanche, même quand les contraintes budgétaires et autres ne donnent pas le loisir de programmer autant d’événements que le mériterait une musique aussi captivante que le jazz. L’initiative de Szuszkin a été d’autant plus méritoire que le jazz est quasi inexistant en Égypte, alors qu’il est de notoriété publique que sans swing la vie ne veut rien dire…