Scènes

Un bouquet d’Amaryllis dans les nuages

Mary Halvorson, accompagnée de son sextet Amaryllis, présentait son nouvel album.


Amaryllis Sextet © Franpi Barriaux

Si la venue de Mary Halvorson et de ses proches musiciens en Europe constitue toujours un évènement particulier, le choix de Bagneux, dans la proche banlieue sud de Paris, et de son beau théâtre Victor Hugo, revêtait pour la guitariste new-yorkaise une importance particulière : cette soirée glaciale de janvier était celle de la sortie de Cloudward, nouvel album de son sextet Amaryllis désormais fixé, qu’elle jouait pour la première fois.

Patricia Brennan & Mary Halvorson © Franpi Barriaux

Une nouvelle œuvre de Mary Halvorson se découvre toujours avec une pointe d’excitation, a fortiori en live. Après avoir proposé Amaryllis et Belladonna l’an passé, la guitariste a reconduit un sextet qui porte maintenant le nom de ce premier album, subtil équilibre entre la légèreté et le raffinement des lignes mélodiques et la puissance d’une base rythmique roborative. Dans l’orchestre, l’insatiable Tomas Fujiwara fait la paire avec le contrebassiste Nick Dunston. Ce soir-là, ce dernier est particulièrement en verve, d’autant que son instrument est assez en avant dans le mixage : du pizzicato subtil aux gifles de ses cordes, en passant par un archet qui vient taquiner le jeu fondant de Patricia Brennan et Mary Halvorson, Dunston est toujours là. Vibraphone et guitare constituent l’autre alliance d’importance dans ce sextet, tant le jeu de la vibraphoniste se nourrit des déviations imprévisibles de Mary Halvorson et de cette rapidité inouïe qu’elle met au service du propos plutôt que de la performance.

Amaryllis sextet © Franpi Barriaux

La partie de masques que nous offrent les deux musiciennes dans ce concert est une entropie délicieuse qui construit une musique en mouvement dont les engrenages seraient la confrontation à la rythmique. Il ne faut pas oublier un troisième acteur, même si l’orchestre se retrouve ponctuellement en quartet avec une énergie et un goût du jeu peu communs : les deux soufflants, le tromboniste Jacob Garchik et Adam O’Farrill, sont eux aussi d’une importance cruciale dans les directions prises par Amaryllis ; si Garchik est en charge du liant, la trompette est souvent un magnifique accélérateur de particules. Le jeu clair et lumineux de O’Farrill est déterminant dans ce nouveau répertoire où ce qui compte plus que jamais, c’est le relief immense et l’alchimie des timbres qui permet d’insérer comme des bulles fragiles, prêtes à éclater.

Dans ce contexte, le jeu de Mary Halvorson semble s’être émacié, quand bien même elle offre à Bagneux un instant où l’instrument mute littéralement sous sa science des pédales et des échos. Sur quelques morceaux, on perçoit l’influence de son travail de Code Girl, et sa volonté très syncrétique de ne pas renier son héritage folk voire rock. Elle joue tout simplement, avec une joie qu’elle communique par l’instrument, avec une certaine chaleur. À ses côtés, Patricia Brennan et Tomas Fujiwara sont deux solistes étonnants par leur capacité à rendre évidente la musique la plus complexe avec une générosité rare. Un bon résumé, en somme, de cette soirée.