Chronique

Leyla McCalla

Vari-Colored Songs

Leyla McCalla (cello, voc) + various guests.

Label / Distribution : Dixiefrog

"I’m not asking for salvation
But I am afraid to fly
We all want to
Go to heaven
But no one wants to die".

Une voix nue, un violoncelle. Leyla McCalla chante en américain ou en haïtien, selon le cas. Chaque fois, elle tire un fil tremblant entre le présent et le passé.

Née à New York, Leyla McCalla était plutôt destinée à devenir une violoncelliste classique. Mais elle a déménagé à la Nouvelle-Orléans et, à la place, a joué du folk dans la rue, s’est mise à chanter par hasard et se produit maintenant un peu partout (Duc des Lombards en décembre dernier) pour la sortie de son album Vari-Colored Songs.

Les couleurs variées, ce sont celles de Langston Hughes d’abord, très grand poète américain de la Harlem Renaissance. Sept chansons sur quatorze sont des mises en musique de ses œuvres, dont le magnifique « Song For a Dark Girl » qui raconte l’histoire d’une jeune fille noire qui voit son amant pendu à un arbre, ou « Love Again Blues », qui délivre avec des mots simples l’intimité d’une vérité universelle.

"Tell me, tell me what makes love such an ache and a pain
Tell me what makes love such an ache and a pain
It takes you and it breaks you
But you got to love again."

Leyla McCalla, à la guitare cette fois, en fait un blues de toute beauté, aux côtés de Luke Winslow-King (guitare), Cassidy Holden (basse) et Matt Rhody (violon). Au fil des plages, on rencontre d’autres compagnons de sa route musicale, tous liés par une identité sonore qui renvoie aux racines de la Great Black Music, c’est-à-dire à une certaine tradition noire, mais non réservée aux Noirs, bien au contraire. Depuis la Nouvelle-Orléans, Leyla McCalla navigue dans la forêt de ses origines haïtiennes, de ses connexions avec le Sud des États-Unis et de la Caraïbe. Certains morceaux sont ainsi en haïtien et en créole, et elle passe au banjo sur quelques-uns, dont « Mesi Bondye » (prononcer Me’ci Bon Dieu) ou « Rose Marie », des traditionnels qu’elle a arrangés elle-même.

Enfin, « When I Can See The Valley », dont quelques vers ouvrent cette chronique, est la seule composition entièrement originale du disque. Elle n’a rien à envier au reste, et apparaît comme une synthèse réussie des moments passés auprès des grands, tel Langston Hughes, tant par la simplicité et l’intégrité du geste que par sa joyeuse musicalité.