Chronique

Marc Démereau

Magic Owl

Marc Démereau : électronique, scie musicale, sax soprano, voix…

Label / Distribution : Mr Morezon

Faut-il encore présenter Marc Démereau ? L’homme est un habitué de ces colonnes et une figure marquante de la scène toulousaine, mais ne s’arrête pas aux frontières de la région Midi-Pyrénées. Cannibales et Vahinés, La Friture Moderne, Le Tigre des Platanes sont trois des formations les plus significatives de ce saxophoniste et compositeur dont l’univers semble en expansion continuelle et que l’on a entendu également en compagnie de Didier Kowarski, Agustí Fernández, François Merville…

Nous l’avions vu présenter au Mandala il y a près d’un an ce Magic Owl qu’il joue depuis 2010. Voici qu’il en fait son premier album solo. Pas le dernier, si nous en croyons le site de Freddy Morezon P.R.O.D, qui parle de « premier épisode ». Comme nous le pressentions alors, l’écoute sur disque révèle - pour peu qu’on veuille l’écouter attentivement, activement - bien des recoins difficilement perceptibles en concert, et Démereau nous propose là un voyage diablement intéressant.

Collectionneur de sons comme beaucoup, il mixe ici des bribes d’enregistrements et les installe dans un paysage nocturne fait de nappes électroniques au synthétiseur analogique, de passages au sax soprano ou à la scie musicale, de sons méconnaissables à force d’être retravaillés, distordus, à moins que ce ne soient des sons de synthèse poussés vers la musique concrète. On croit reconnaître un cymbalum, une bombarde, un piano-jouet surexcité, un poulailler, quelques morceaux de gamelan dépareillés, une machine d’imprimerie propulsée sur un dance floor ; on identifie clairement - dans le désordre - divers oiseaux dont une chouette, des insectes et autres animaux nocturnes, des flûtes, un mode éthiopien qui se rapproche des musiques turques… Parcours dans une nuit métaphorique, un silence peuplé de sons, une obscurité où l’on voit mieux - ou autrement - qu’en pleine lumière.

« At last i am free », chante à peine Marc Démereau juste avant de clore l’album. Une liberté sans effusion de joie, sans jubilation : juste la conscience d’avoir jeté par-dessus bord tout ce qui lestait, tout ce qui retenait, et d’avancer seul, sans entraves, vers un inconnu nocturne - forcément nocturne -, une forêt enneigée comme celle de la pochette, ou l’intérieur de soi-même, désert foisonnant et toujours inexpliqué.