Chronique

Michel Arcens

Instants de jazz

Michel Arcens connaît la musique. Depuis longtemps. Et le jazz, qu’il aime vraiment. Il connaît aussi ses auteurs, dont l’incontournable (en la matière) Alain Gerber, qui lui a offert de bien belles pages sous forme de prologue poétique inédit, intitulé « Jazz silhouettes ».

Quelques fulgurances, des phrases justes sur l’amour que lui inspire le jazz - il s’en excuse presque dans son avant-propos. « Puisqu’il ne s’agit que de cela », de faire partager sa vision, qui n’est pas celle d’un musicologue, car ce livre n’est pas « l’affaire de spécialistes », même s’il faut avoir écouté beaucoup de disques, et depuis très longtemps, pour se forger une opinion, sculpter sa mémoire avec le temps.

Il est légitime, Michel Arcens, quand il s’en tient aux faits, aux dates qu’il donne avec la précision obsessionnelle des amateurs de jazz et des musiciens, « chevaliers de l’éphémère » comme disait Pascal Quignard. Quand il fait entendre la musique dans tous ses éclats, dans ses « instants de jazz » dédiés à Bix [1], Monk, Rollins, Clifford Brown… et aussi (sujet toujours aussi brûlant) ces « femmes du jazz » qui auraient pu être son avenir.
On comprend que Philippe Carles - dont on connaît la passion pour le « contrapuntiste » - ait retenu la « Lettre à Jimmy Giuffre », témoignage sincère d’admiration pour ce délicat musicien.

Et comme lui, chaque lecteur devrait être sensible à des évocations, des enregistrements ou des concerts qui nous renvoient à nos émotions d’antan ; citons par exemple ce « Good Morning Heartache » du trio Paul Motian/Bill Frisell/Joe Lovano sur Sound of Love, enregistré du 7 au 10 juin 1995 au Village Vanguard pour la belle collection Winter&Winter qui n’est plus distribuée, hélas ! par Harmonia Mundi [2].

Car la grande force de ce recueil et de ces Portraits in jazz jamais cités à l’improviste, est de nous promener au fil les tours et détours de cette musique, dans ce « jardin aux sentiers qui bifurquent », ces lieux de passage, d’euphories et d’admirations.

Michel Arcens ose déclarer son inclination par envie de faire partager - un mal chronique ? - ce qui a traversé son horizon musical. Arrêt un instant sur ce qui passe. Il écrit ce que tout amoureux éclairé pourrait déclarer du fond du cœur. Avec parfois de l’emphase et des longueurs qu’on lui pardonne, car le lecteur reconnaît en lui un frère de son.

Alter Ego éditions
255 pages, 17€

par Sophie Chambon // Publié le 23 août 2010
P.-S. :


« Instants de jazz » recevra le prix Vendémiaire décerné par le jury des « Vendanges littéraires de Rivesaltes » les 2 et 3 octobre 2010. Les autres lauréats sont Christian Oster pour « Dans la cathédrale » (éditions de Minuit) et Charles Juliet pour son « Journal » (éditions POL).

Le site

[1Michel Arcens aurait pu citer l’excellente biographie, la plus complète à ce jour, sur ce météore, celle de Jean-Pierre Lion que même les Américains ont couronnée (éditions Outre mesure).

[2Mais actuellement par Abeille Musique