Chronique

Michele Campanella & Javier Girotto

Musique Sans Frontières

Michele Campanella (p), Javier Girotto (bs, ss)

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Les passerelles entre la musique dite « classique » et le jazz, les liens de parenté, les similitudes, il en existe beaucoup. De très nombreux artistes se sont essayés à le démontrer, avec plus ou moins de réussite, au point de faire de ces liens une évidence.
Le jazz a grandi à l’époque où la « musique classique » (il serait moins erroné du point de vue stylistique de dire « musique savante », mais le terme est tellement pédant qu’on ne peut que le bannir), éprise de liberté, faisait voler en éclat les toutes dernières règles et contraintes harmoniques. S’influençant mutuellement, leurs vocabulaires respectifs (harmoniques bien sûr, mais aussi rythmiques, mélodiques, orchestraux, etc.) sont devenus au fil du temps un langage commun, bien qu’empruntant des esthétiques différentes.

C’est là le propos de Michele Campanella, pianiste « classique », et Javier Girotto, saxophoniste « jazz » : ils prennent le parti d’éliminer la frontière entre les styles plutôt que d’en fusionner les syntaxes. Le choix des compositeurs (Maurice Ravel et Claude Debussy) est judicieux par les dissonances qui foisonnent déjà dans les charpentes de leurs œuvres et qui permettent une grande liberté pour quiconque veut les explorer.
Ainsi, il ne faut attendre aucune blue note pour transformer un peu un air de Maurice, un phrasé swing pour danser un peu plus avec Claude ou encore de multiples changements de métrique. Plutôt dans la subtilité, le saxophone va tourner autour des mélodies, jouant parfois le thème en doublant le piano, improvisant parfois pour s’approprier la pièce.

Certaines pièces choisies ici se prêtent toutefois mieux que d’autres à cet exercice, et on peut être déstabilisé par ce sax qui explose parfois en envolées fulgurantes sans sembler vraiment lié au discours du piano. A l’inverse, on citera le « Clair De Lune » (issu de la Suite Bergamesque de Debussy) qui accueille l’anche avec une grande sérénité. Ou encore « Arborada Del Gracioso » où Girotto au baryton amène une atmosphère différente, intime et débridée à la fois ; la pièce porte vraiment l’identité de ses interprètes.

Ainsi Musique Sans Frontières n’est pas à classer dans une famille plutôt que dans une autre.
Qu’importe, d’ailleurs, de savoir si Gershwin était jazz ou classique ; ce qui compte c’est d’aimer sa musique.