Chronique

Musica Nuda

55/21

Petra Magoni, voc ; Ferruccio Spinetti, b

Label / Distribution : Blue Note

Volubile. L’adjectif a dû être inventé pour parler de Petra Magoni, paradigme de l’italienne chantante. On la retrouve ainsi, simplement vêtue d’une goutte de Numéro 5 de chez Spinetti, sur le rythme de tarentelle d’un magistral « Bocca di Rosa » shooté aux amphétamines. Mais juste après, changement de pied : Mme Magoni se fait grave et calmement désespérée dans une superbe version italienne des « Vieux Amants » de Brel où Stefano Bollani rhabille sa belle d’un piano pudique. 55/21 explore la veine tendre avant tout.

Le duo italien le plus célèbre de France reste fidèle à son répertoire bariolé de reprises pop, de standards jazz et d’airs classiques, mais prend cette fois-ci un virage appuyé vers la chanson. La recette est toujours la même et elle fonctionne toujours : une voix et une contrebasse, le jeu de la lumière et de l’ombre, et le silence pour accentuer les contrastes. La justesse et la précision de jeu des deux musiciens ne sont plus à démontrer. Leur science du tempo et la capacité de Ferruccio Spinetti à changer de couleurs sonores sont moins souvent vantées. Pourtant, réécoutez bien.

Musique nue, toujours, même si Stefano Bollani fait quelques apparitions soyeuses, même si Sanseverino ajoute une guitare manouche sur « It had Better Be Tonight », même si Jacques Higelin gouaille sur « Crocodail », même si Gianluca Petrella offre ses contre-chants sur un « Si Viaggiare » où Spinetti revisite la ligne de basse originale en un remake inattendu de « All Along the Watchtower ». Nue infiniment, comme la vérité sortant du puits, dans « While My Guitar Gently Weeps ».

Comment ? C’est pas du jazz ? Certes. Mais en tout cas, c’est de la musique, vous ne direz pas le contraire.