Chronique

Naïma Quartet

Sea of Red

Naïma Giroud (b, voc), Jules Le Risbé (p), John Owens (g), Thomas Doméné (dm)

Label / Distribution : Inouïe Distribution

Gageons que, nantie d’un tel prénom, cette jeune contrebassiste/chanteuse a touché les étoiles dès le berceau (Naïma, outre le fait d’être le titre d’une composition légendaire de Coltrane en hommage à sa fille, signifie « étoile » en arabe). Ici, les étoiles s’immiscent dans les respirations de la musique de ce quartet. De fait, entre la contrebasse et la voix de la leadeuse Naïma Giroud, le pianiste Jules Le Risbé, le guitariste John Owens et le batteur Thomas Doméné, le swing de ce groupe est riche de silences, comme si les intervalles étaient malaxés parfois jusqu’au cosmos.

C’est flagrant sur le diptyque « Avant les étangs » et « Les étangs » : l’introduction du guitariste nous promène dans quelque ripisylve bluesy, quand le morceau, nanti de paroles en français délicatement poétiques, nous fait doucement valser sur l’onde jusqu’à nous inviter à chavirer, entre rythmique ensorcelante, lâcher-prise de la guitare et du piano et incantation de sirène de Mme Giroud. Pour autant, le groupe ne se confit pas dans l’impressionnisme et s’oriente aussi vers un groove universel, rappelant le meilleur de la scène londonienne actuelle. Comme sur ce blues afro qu’est « Your Lines » (l’arpège de guitare résonne comme un hommage à la puissance des lignes développées par les doigts de fée de la contrebassiste), ou encore sur « One or Two », sorte de pari sur le tempo, dont les protagonistes jouent avec humour.

Quant aux standards, ils sont interprétés avec une force de conviction qui emporte l’adhésion : en ces temps de confinement, « Isn’t It a Lovely Day » s’étire comme un jour sans fin et aussi sans ennui ; « Frim Fram Sauce » bénéficie d’un traitement bluesy à la contrebasse et la voix seules sur l’exposition du thème ; « Never Will I Marry » résonne comme un hymne trans-genre, ne serait-ce que par la plage accordée au solo intégral du pianiste, plein d’un stride masculin alors que la voix de Naïma Giroud se fait canaille.

Un premier album plein de promesses, tant par les suggestions générées par l’interprétation des standards que par les directions esquissées par les compositions.