Tout, dans ce disque solo, semble tendre vers une très grande sérénité, à commencer par la pochette : on y voit Omar Sosa, les yeux clos - sur un fond noir impénétrable annonciateur d’intensité. Déplions l’album : le visage du pianiste cubain s’étend alors en entier, du recto au verso. La sensation de quiétude qui traverse Calma commence avec cette image… et se poursuit aussitôt avec son titre : il n’est guère besoin de maîtriser l’espagnol pour comprendre ; mais les titres des morceaux sont tout aussi explicites : « Sunrise », « Absence », « Innocence », « Oasis », « Reposo »… jusqu’à « Sunset » qui vient clore ces vingt-quatre heures elliptiques.
Celles-ci s’ouvrent sur un tempo très lent, à l’image la journée intimiste que nous propose Sosa. Et c’est une note unique, sublimée par la réverbération, qui ouvre le majestueux « Sunrise ». Toutes les autres seront également mesurées, délicatement posées dans l’espace et le temps. « Sunrise » donc, s’étire, superbe, de manière à laisser savourer la mélodie qui se construit par touches discrètes et précieuses. Le disque étant totalement improvisé, on peut penser que l’on a affaire ici à un jeu sincère et spontané. D’ailleurs, l’artiste s’en explique : « I wanted to play from beginning to end without thinking – just feeling where each note would take me, following the voice of my soul ». Âme, le mot est lâché. On sentait qu’il n’en était pas loin, entourant de son doux voile ce précieux bijou. Car c’est une musique qui parle à l’âme, et qui parle d’elle.
Les remerciements, qui figurent en bonne place et concernent des proches, évoquent à la fois l’univers très personnel d’Omar Sosa et des sentiments universels mais ici très profonds, empreints d’humanité - patience, tolérance, aide, amour, calme, amitié… tout respire le partage et la réceptivité, l’attention portée à l’autre. Quand la journée s’achève - avec « Sunset » -, la même note (une octave au-dessus) refermera l’album, la même réverbération lui donnant de l’ampleur. « Sunrise », « Sunset »… la boucle est-elle bouclée sur ces deux notes qui se répondent ? On pourrait en débattre, mais ce serait au risque de dénaturer ce disque merveilleux et de trop s’en affranchir. Ce dernier morceau résonne çà et là comme une marche funèbre. Est-ce soleil qui disparaît ? Interprétation trop simpliste pour un album irradiant des émotions sont aussi intenses, complexes… et positives : il ne s’agit ici ni de mélancolie ni de langueur, mais plutôt de générosité.
Entre aurore et crépuscule, onze morceaux de tout beauté, d’une intensité rarement égalée, et autant de mélodies superbes au sein desquelles chaque note semble tomber parfaitement à sa place. Malgré quelques tempos un peu plus soutenus, on demeure dans un registre où tout est merveilleusement ralenti. « Walking Together » est peut-être plus loquace, mais reste une balade/ballade plus introspective que précipitée. Pour dédier cet album à ceux qu’il aime, Omar Sosa prend son temps. Et nous qui ne le connaissons pas en profitons par procuration.