Chronique

Paul Jost

Simple Life

Paul Jost (voc, guit, hca), Jim Ridl (p, elp), Dean Johnson (b), Tim Horner (dm)

Label / Distribution : Jammin’ Colors

Dans une vie musicale antérieure, Paul Jost était batteur, partageant scènes et sessions studio avec, excusez du peu, des Ron Carter et autres Mark Murphy (entre autres). Il rend comme un hommage à ce dernier, d’ailleurs, sur l’introduction d’un titre de Fred Neil « Everybody’s Talkin’ » : c’est bien de « Stolen Moments », sur lequel son illustre prédécesseur s’était illustré, qu’il s’empare.

Il veut être désormais apprécié en tant que « musicien vocaliste », et pas uniquement comme un chanteur de jazz parmi tant d’autres. De son passé derrière les fûts, il a gardé un sens du placement rythmique diablement efficace, ainsi qu’un art du vibrato qui fleure bon la cymbale ride. Il a aussi ce râle vocal très mâle, atteignant des basses profondes avec quelques envolées vers les aigus qui peuvent relever de la prouesse. Il se fait également guitariste, harmoniciste et siffleur. Il habite littéralement les thèmes, qu’il s’agisse des deux versions des Beatles proposées (somptueuse bopification de « Blackbird » et méchante bluesification de « With a Little Help from my Friends »), ou bien encore de l’incunable « Caravan » sur lequel il balance un scat ravageur.

Son utilisation de la voix comme un instrument atteint des sommets au détour notamment de « No Moe » de Sonny Rollins : sur ce morceau construit sur la grille harmonique de « Confirmation » de Bird, il expose le thème sans fioritures, prend un solo renversant et se plaît à donner à sa section rythmique des libertés bienvenues, sans oublier de clore le débat à la façon des boppers les plus percutants. Il aime à provoquer ses musiciens, lançant leurs solos par des traînées vocales jubilatoires, comme sur « The Touch of Your Lips » où le pianiste se déchaîne. Ses deux compositions, dont on regrettera l’absence des textes, prennent leur source dans la pop la plus exigeante (Dylan, dont il reprend « Girl from the North Country ») et dans le jazz le plus swinguant, lui donnant l’occasion de joliment dialoguer avec un vibraphoniste d’excellence. Il se veut « storyteller » : loin des usages de ce terme galvaudés par les communicants, il sait en effet transmettre un authentique sens du jazz par sa sensualité exigeante.