Après plus de vingt-cinq ans de carrière, ce huitième disque est pourtant le premier enregistrement entièrement solo, instrumental et acoustique du guitariste. Onze titres, onze compositions qui permettent de découvrir l’univers Bensusan, présenté ici sans artifice, épuré et au plus près de l’essentiel. Fidèle à l’open tuning qu’il utilise depuis ses débuts, Pierre Bensusan semble repousser les limites de l’instrument, qu’elles soient harmoniques, sonores ou mélodiques. L’accordage ouvert de la guitare se prête donc particulièrement bien aux nombreuses ballades (So Long Michael en hommage à Michael Hedges, Le jardin d’Adonis, L’alchimiste ou encore Silent passenger) et au jeu en fort legato qui valorise leurs subtiles mélodies. Ce sont notamment ces ballades qui mettent en valeur la finesse d’interprétation de l’artiste. Le choix délibéré de l’enregistrement purement acoustique doit être vu comme une volonté de se placer au plus près de la musique, de se concentrer davantage sur le jeu et l’interprétation. Le travail sur le son vient ensuite, lorsque l’essentiel de la musique a déjà été exprimé.
Bensusan excelle par ailleurs dans la création d’atmosphères musicales uniques : écouter La hora española c’est se perdre dans les ruelles brûlantes et immaculées de Grenade l’andalouse, la complexité et la richesse de Agadiramadan évoquent la musique berbère tout en se risquant à quelques escapades salsa. Dans la pièce titre Intuite, un travail sur le jeu en tapping permet de reproduire de façon saisissante le son du oud, mais, bien au-delà de la prouesse sonore, ce morceau révèle avant tout l’importance du silence et de la sérénité dans l’expression musicale de l’auteur. Le polyphonique Alchimiste brille par l’intrication de ses multiples voix, et la très vive Bourrée Voltige est saisissante de précision et de vélocité.
Un long voyage autour des musiques au-delà des frontières, des influences méditerranéennes aux traces celtiques en passant par un air de salsa ou une bourrée traditionnelle… Découvrir cet album de Pierre Bensusan, c’est un peu prendre un sac de voyage, léger comme l’air tiède du printemps, que l’on n’aura rempli qu’avec les rares objets qu’on juge assez précieux pour les trimballer de par le monde. Et partir à l’aventure en s’enrichissant des rencontres de fortune et des cultures croisées au fil des pérégrinations.