Susanne Abbuehl
April
Susanne Abbuehl (voc), Wolfert Brederode (p, harmonium, melodica), Christof May (cl, bcl), Samuel Rohrer (d, perc).
Label / Distribution : ECM
« Evite de craindre ou haïr l’artiste qui est en toi. Honore-le et aime-le… n’essaie pas de le posséder » E.E. Cummings
Sur la pochette, on distingue une galaxie floue. Ce n’est pas un hasard car ce disque nous convie à un voyage dans un autre monde lointain. Où le silence a sa place. Où les arrangements sont minimalistes. Où l’on a presque l’impression de déranger en écoutant. Le son ECM, qui remplit tellement l’espace, est ici parfaitement adapté à l’instauration d’un univers musical bien particulier, très personnel, subtile association de compositions personnelles (texte et musique) et d’adaptions de morceaux de Carla Bley sur lesquelles Susanne Abbuehl dépose délicatement des textes du poète américain E.E. Cummings. Pas de virtuosité ici, mais la simple justesse de la note offerte avec humilité et sobriété.
Le rythme est ralenti jusqu’à être quasiment réduit à néant ; les silences sont légion mais sont totalement intégrés à l’esprit des morceaux et permettent à l’âme musicale du disque de pénétrer un peu plus profondément le cœur de l’auditeur.
Susanne Abbuehl balaie d’un revers de la main toutes les habituelles contraintes commerciales et nous offre un manifeste de la liberté musicale. Ce long périple dans un monde de sérénité se compose de nombreuses étapes : deux exécutions de scat lent sur une magnifique reprise de A.I.R (All India Radio) de Carla Bley et sur une composition d’Abbuehl, la récitation murmurée d’un texte de Cummings (Seven, somewhere i have never travelled, gladly beyond, encore sur une musique de Bley) tout juste soulignée par quelques accords de piano aux sonorités très « jarrettiennes », une belle et simple relecture de ’Round Midnight sanctifiée par quelques longs accords d’harmonium qui évoquent l’orgue d’une église, un raga de la chanteuse classique indienne Prabha Atre…
Les trois musiciens qui accompagnent la chanteuse accomplissent à la perfection la tâche qui leur incombe : mettre en valeur la voix et les mots qu’elle libère, dans une approche d’un niveau de minimalisme rarement atteint. Une leçon d’humilité et de maturité pour un premier disque d’une originalité rare.