Entretien

Rémi Gaudillat

Collectif imuZZic II : Rémi Gaudillat. (Voir le premier volet)
Pour ce second volet le trompettiste nous parle en particulier du quartet « Call It Anything ».

Collectif imuZZic II : Rémi Gaudillat.
Pour ce second volet le trompettiste nous parle en particulier du quartet « Call It Anything ».

  • Un de tes précédents projets faisait clairement référence à Lester Bowie. En quoi sa musique ou sa philosophie de vie influence ta musique d’aujourd’hui ?

En effet, Lester Bowie fait partie de mes influences directes, notamment dans la façon d’utiliser le(s) son(s) de la trompette, de même que sa manière de « construire » une improvisation, mais il n’est pas le seul. Pour ce quartet, la musique de Miles Davis et de son quintet avec Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams a été tout aussi déterminante : la liberté des improvisateurs, la relation avec la rythmique, l’attitude de Miles en tant que chef d’orchestre. Il y a également l’influence très importante de Bill Frisell : ses compositions, ses couleurs orchestrales. On pourrait aussi citer les influences de Dave Douglas et de Paul Motian (son trio avec Joe Lovano et Frisell).

  • Ce projet est né d’un carte blanche : as-tu senti dès le début que ce projet était voué à durer et que développerait un répertoire pour le groupe ?
Rémi Gaudillat - Photo Hélène Collon/Objectif Jazz

La carte blanche a été le « prétexte » pour créer ce projet que j’avais en tête depuis un petit moment, avec une réelle volonté de le développer. Jouer mes compositions avec une formation plus « classique » que celles que proposent habituellement le réseau imuZZic me permettait de continuer à développer un travail que j’avais commencé avec mon ancien trio (« non violence », avec Brice Berrerd à la contrebasse Aurélien Masson à la guitare) et que j’avais envie d’approfondir.
Si la tradition d’imuZZic est plutôt ancrée dans les musiques « libertaires », en particulier le free-jazz, et que je m’y sens comme chez moi, il y avait aussi la volonté d’ajouter une autre dimension, plus classique dans la formule. Une autre couleur à la palette…

  • Benoît Keller et Bruno Tocanne sont deux musiciens que tu connais bien : les savoir à tes côtés te facilite la tâche ?

Pour un improvisateur, la rythmique avec laquelle tu joues est un élément primordial : elle influe de manière directe sur ta façon de jouer. L’extrême complicité de Benoît et de Bruno, et par conséquent la liberté qu’elle implique, fait que, en tant qu’improvisateur, la prise de risque est permanente : pas de schéma pré-établi, toujours sur le fil, la réaction à la moindre idée proposée avec la volonté de la développer… Du coup, cela empêche de s’installer dans le confort et implique d’être constamment sur le qui-vive, quitte à assumer les dérapages contrôlés. Ce qui fait que cette musique est bien vivante et si excitante.

  • Fred Meyer et ses touches friselliennes donnent une dimension électrique : volonté de jouer sur les contrastes ?

Les contrastes, et d’une manière plus générale, les couleurs. Fred « colore » la musique. Sa manière de jouer est à son image, discrète, loin de tout tape-à-l’oeil et de virtuosité gratuite, et en même temps profondément attachante. Le son du groupe, sa « couleur » dépend en majeur partie de la guitare de Fred. Elle rajoute une dimension aérienne et une poésie qui en fait le complément idéal de Benoît et Bruno. Tu l’enlèves, et la musique se retrouve en noir et blanc…

  • Si tu devais poser sur une table les quelques disques qui t’ont inspiré cette musique ?

« Sorcerer » et « In A Silent Way » de Miles Davis, en particulier les disques du trio Motian-Lovano-Frisell, en général Meaning and Mystery de Dave Douglas, et son Tiny Bell trio.

Propos recueillis par Jean Delestrade et initialement parus sur le site de Macao

CALL IT ANYTHING :

Rémi Gaudillat trompette & bugle
Fred Meyer guitare
Benoît Keller contrebasse
Bruno Tocanne batterie