Chronique

Sandra Nkaké

Tangerine Moon Wishes

Sandra Nkaké (voc, glockenspiel), Jî Drû (fl, voc), Tatiana Paris (g, voc), Kenny Ruby (b, voc), Thibaut Brandalise (dm)

Label / Distribution : Jazz Village

On avait quitté Sandra Nkaké dans une atmosphère soul mêlée de funk dans Nothing For Granted, après un premier album, Mansaadi, en 2008. La voici avec un nouvel enregistrement où on la retrouve identique à elle-même et totalement différente.

On reconnaît la voix, évidemment, elle est si typique : grave et majestueuse, elle paraît fragile parfois. Un léger voile lui confère un charme puissant. Son charisme sur scène fait l’unanimité : énergie, sens du rythme, générosité et simplicité jusque dans une certaine sophistication. Ce sont ces qualités qui lui ont valu une Victoire de la musique (Révélation jazz) en 2012 et qui lui ont donné sa place sur scène dans Autour de Chet ou Autour de Nina - une artiste à qui certains n’hésitent pas à la comparer pour la voix et l’engagement.

Avec Tangerine Moon Wishes (vœux adressés à la lune rousse), Sandra Nkaké semble s’abstraire de son univers passé. Cet album, c’est son « Invitation au voyage ». Un itinéraire initiatique qu’elle nous propose avec son co-compositeur, Jî Drû. De l’aube (« The Dawn » est le titre de la pièce liminaire) à « Lune Rousse » qui clôt l’album, en une journée donc comme dans le théâtre classique, se déroule la quête à laquelle nous convie Sandra Nkaké. Une investigation en soi, au plus intime, pour trouver peut-être son être profond et la réponse à des questions qui peuvent être génératrices d’angoisse.

Le medium de ce périple, c’est la voix.
Celle de Sandra Nkaké, ici, se fait souffle, murmure qui monte du cœur aux lèvres mais semble sourdre du corps entier. Parfois, elle s’enfle comme la rumeur du vent qui s’élève dans ce paysage à la fois réel et onirique évoqué dans « Un vœu » dont le décor semble faire écho au « Dormeur du Val » de Rimbaud. Plusieurs titres portent la trace discrète d’un deuil personnel, la perte d’un être cher, qu’on ne peut se résoudre à laisser partir, que vous gardez prisonnier en quelque sorte mais qui vous emprisonne aussi. Le nœud se délie dans le décor et l’atmosphère très psychédéliques de « Lune rousse », terme du voyage, qui permet enfin de dire : « Je suis libre, nous sommes libres ».

En français et en anglais, dans une succession parfaitement fluide, le chant, qui (avec « River », une piste bonus) nous conduit à cette libération en quatorze étapes comme un chemin de croix, est comme posé dans un écrin. La flûte magique de Jî Drû en serait le matériau principal, étayé par la délicate guitare de Tatiana Paris, tandis que Kenny Ruby et Thibaut Brandalise rythment subtilement la marche.