Chronique

Saxkartel

Airdance

Tom Van Dyck (bs), Kurt Van Herck (ts), Sara Meyer (as), Robin Verheyen (ss)

Label / Distribution : Igloo

Le World Saxophone Quartet ou ROVA ont montré le vaste champ musical que peut recouvrir un groupe composé de quatre saxophonistes. Tous deux sont dédiés à l’improvisation, mais l’abordent via des perspectives différentes : le premier prolonge la Great Black Music, tandis que le second mélange jazz, musiques classique et contemporaine, etc. De plus, ROVA a, au cours de ses vingt-cinq ans d’existence, mis au point son système de communication propre (expliqué sur son site), qui passe par une gestuelle permettant de définir les codes de l’improvisation en temps réel. Saxkartel a des ambitions plus modestes et plus proches du post-bop.

Tom Van Dyck a rassemblé autour de lui deux générations de saxophonistes pour Saxkartel. Altiste, il passe ici au baryton. Kurt Van Herck, bien connu sur la scène belge, a remporté le Django d’Or il y a quelques années. La Française Sara Meyer et Robin Verheyen sont plus jeunes. Ce dernier en particulier représente la génération montante du jazz belge.

Si la musique est généralement très écrite, très fouillée, elle se permet de réserver quelques surprises, notamment ce baryton qui, loin de remplacer simplement la contrebasse, et malgré la maîtrise imparfaite de Van Dyck, entraîne parfois le soliste dans un dialogue plus ouvert. Plus généralement, Airdance impressionne plus qu’il ne séduit, car il favorise parfois trop la construction par rapport à l’expression, mais contient quand même quelques superbes moments collectifs ou individuels et de nombreuses idées intéressantes.

Le premier morceau, « Centre Pass », en met plein la vue au niveau des arrangements, à tel point que Van Herck est quasi invisible lorsqu’il tente de se frayer un chemin en solo. De la belle ouvrage, certes, mais un peu trop chargée. En contraste total, Airdance se referme sur « Bubbles », un duo entre baryton et ténor où la réverbe, le tempo lent et l’opposition entre la ligne de baryton posée et rythmiquement immuable, et le ténor, plus libre, créent une atmosphère brumeuse, pleine de mystère et de suggestion. Quand, enfin, les deux saxophones se retrouvent, c’est sur un accord fragile.

Entre les deux, Van Dyck place trois autres compositions personnelles, dont « Me, My Car & I », qui joue la carte de l’humour en simulant klaxons de voitures et carambolages clownesques, mais introduit aussi de manière tout à fait inattendue une nouvelle couleur dans les aigus quand les saxophones prennent des allures de flûte.

Le « Boxwood Blues » de Van Herck change la donne. La part de composition y est réduite (le morceau est joué en trio, sans soprano), ouvrant plus grand le champ de l’improvisation. Par-dessus un riff rhythm’n’blues de Van Dyck (qui se mue, pour le coda, en simple ostinato et abandonne la forme du blues à douze mesures lors du coda au profit d’un long decrescendo), Van Herck et Meyer interagissent librement.

Les cinq standards (même si « Earconditioning » l’est un peu moins) sont excellement ré-imaginés pour le kartel. « Skylark » favorise la délicatesse et la mélodie, « Line for Lyons » et « Perdido » fonctionnent comme des hommages au style de leurs auteurs : le premier est empreint de swing léger et, dans le second, les ensembles de saxophones se font plus veloutés.