Schubert / Rupp / Rogers
Three Stories About Rain, Sunlight And The Hidden Soil
Frank Paul Schubert (as, ts), Olaf Rupp (g), Paul Rogers (b)
Label / Distribution : Relative Pitch
Oubliez tout ce que vous savez sur Schubert. Enfin, plutôt, faites ce que vous voulez de Franz et intéressez vous à Frank. Frank Paul Schubert est saxophoniste et allemand ; il a joué avec Alexander von Schlippenbach ou Uwe Oberg. Son compagnon au long cours est le guitariste électrique Olaf Rupp, dont le jeu n’est pas aussi gracile que le Rosamunde de l’autre Schubert, Franz (1797-1828). Ce ne sont pas ses collaborations avec le batteur Shoji Hano ou plus récemment avec le violoniste Ernesto Rodrigues qui l’infirmeront ; ce qui n’empêche pas une certaine poésie brute qui s’exprime parfaitement dans Three Stories About Rain, Sunlight And The Hidden Soil en trio, avec le bassiste électrique britannique Paul Rogers, un intime de Paul Dunmall ou Kevin Norton. Les trente minutes que dure « Rain », premier des morceaux, le confirme. Dans une atmosphère tendue le soprano s’infiltre, comme on le dirait d’une source jaillissante, dans la rocaille électrique de ses compagnons. Irrespirable mais plein de surprises.
Rien n’est spécialement virulent dans cette rencontre accueillie par le label Relative Pitch. On pourrait même déceler une certaine quiétude chez le saxophoniste, comme une certitude que le chemin le plus court est la ligne droite et que le sentier sera toujours dégagé. Parfois, le soufflant se frappe aux murs, notamment lorsque les cordes décident de s’unir, comme c’est le cas dans « Yeast ». Alors, le son se fait plus lourd et grinçant, rentre les épaules et fonce tête baissée ; l’électricité s’avère très plastique, et le choc attendu se transforme en bosselures dont le seul traumatisme est une sécheresse environnante prégnante à chaque instant.
Basé sur l’absolue liberté de ses protagonistes, l’album est volubile et puissant. Des trois histoires, on retient d’abord que prédominent l’imprévision et la soudaineté, comme les phénomènes dont il est question : la pluie tombe en averses, sporadiques et violentes, le soleil mord à son zénith. Rogers joue plus dur qu’à l’accoutumée, et il y a avec Rupp comme des rodomontades qui permettent à Schubert de jouir d’un espace étonnant dans une telle configuration (« Curry »). Le flegme dont il fait montre est le secret d’un album rugueux mais néanmoins fort lumineux.