Chronique

Quintans - Rogers - López

Futur folk

Santiago Quintans (eg), Paul Rogers (cb), Ramón López (dms)

Label / Distribution : Creative Sources

Réunis autour d’une conception libre de la pratique artistique, là où l’interaction entre trois individus crée les plus grandes opportunités, notamment celle de se laisser surprendre, les trois improvisateurs que sont le guitariste Santiago Quintans, le fidèle batteur Ramón López (les deux Espagnols avaient signé en 2018 un notable Espada como Labios) et le contrebassiste Paul Rogers déroulent un répertoire de pièces brèves.

Dans ce domaine par définition sans limite, cela tient de la gageure. Pourtant, en portant l’attention sur la forme, la nécessité de condenser la précision du geste dans un propos concis permet la justesse de l’idée émise. En cela, l’expérience des trois joue un rôle fondamental. Tant par leur technique que par leur sens de l’écoute et de l’interaction, rien ne doit être dit qui ne serve un message envoyé à l’auditeur, une envolée fugace de musique qui le cueille, le bouleverse et le rende au monde enrichi de ce moment.

Le moindre matériau proposé est prétexte à l’édification d’une architecture aussitôt mise en mouvement. La guitare de Quintans notamment, ronde et éthérée, comme sale et grasse à d’autres instants, est le signal de départ d’un cheminement ascensionnel que la basse et la batterie épaississent avec une ferveur volontariste. Les intentions de López se portent sur le haut de l’instrument - le métal des cymbales vient orner les traits de ses partenaires de délicates ponctuations cuivrées - ou plongent dans les profondeurs de la grosse caisse et des toms pour déclencher autant de puissances orageuses qui assoient le trio dans un équilibre solide. La basse de Paul Rogers, enfin, est un chant immémorial qui évoque un monde celtique lointain et enrichit le propos d’une diversité supplémentaire.

Textures, flèches, rebonds, dialogues et trilogues sont les caractéristiques en constante réorganisation de trois musiciens qui se cherchent rarement. Au contraire, ils dansent de concert et mettent en place des figures avec beaucoup d’affirmation. Par une ouverture à l’autre, ils dégagent des espaces où tout devient envisageable et élaborent une conversation dans le même temps intime et universelle. 

par Nicolas Dourlhès // Publié le 3 mars 2024
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